750 grammes
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Publié par Jules Lamon & LeCoureurdeVin

Comme tous les ans l’Union des Grands Crus de Bordeaux présentait début février ses vins à Paris. Après le prestigieux Petit Palais, l’UGCB avait choisi de présenter le millésime 2012 au récemment rénové Carreau du Temple, belle halle lumineuse à structure métallique de style Napoléon III. Le must du gotha bordelais en velours côtelé et du velouté des tanins s’était donné rendez-vous en plein cœur du boboland parisien. L’occasion de juger les 2012 sur pièce, alors que la gueule de bois due aux excès de joie de 2009 et 2010 semble ne pas totalement se dissiper.

Notre reporter n'ayant pas mis ses lunettes, voilà une idée floue de l'ambiance au Carreau du Temple

Notre reporter n'ayant pas mis ses lunettes, voilà une idée floue de l'ambiance au Carreau du Temple

2012, plutôt un millésime Rive Droite

Dans ce genre d’évènement, tout goûter sérieusement est impossible : trop de domaines, trop de bruit, de propriétaires à questionner, de connaissances à saluer. Le temps est trop court. Il faut faire des choix. Je m'y rends avec appréhension, car le millésime 2012 fut compliqué, tardif, avec des rendements restreints par de la coulure pendant la floraison. La Rive Droite, plus épargnée, a produit de meilleurs vins cette année-là. Je commence donc par là, avec Saint-Emilion comme point d’entrée idéal.

Premier constat : une grande inégalité entre les crus. Inégalité de style, évidemment, avec des cuvées surpuissantes au boisé torréfié comme le Château Pavie-Maquin et d’autres plus souples, déjà agréables à boire, comme le Clos Fourtet ou le Château La Couspaude, dont les merlots sont travaillés en vinification intégrale. Inégalité de qualité également. Les vins les moins réussis ont des niveaux d'acidité élevés. Ils manquent de volume en milieu de bouche et se terminent sur des finales séchantes et amères, souvent assez courtes. Avant d’acheter, il faudra être vigilant dans ses choix, et si possible goûter pour se faire un avis.

Qu'est-ce qu'un vin typique ?

Face à ces importantes divergences de style et de qualité, je me suis interrogé. Peut-on vraiment parler de la typicité d'une appellation quand les proportions de cépages dans les assemblages, les temps de cuvaison et d'élevage, les méthodes de vinification jouent un plus grand rôle dans la diversité des vins que le simple effet millésime ou la nature des sols ?

Pas de réponse définitive car cette question illustre toute la complexité du monde du vin. On veut souvent réduire une appelation, ou un millésime, à un ou deux critères simplistes. Mais quand on rentre dans le détail, on se rend compte que la centaine de micro-décisions qui sont prises chaque année dans chaque propriété infléchissent inévitablement le style et le goût, rendant chaque cru singulier.

Prenons par exemple le Château-Figeac dont le cabernet sauvignon, qui procure fermeté et puissance, représente 40% de l'assemblage final en 2012. Ce cru est-il typique de l'appellation Saint-Emilion Grand Cru Classé ou plutôt l'expression de la particularité de son assemblage et de ses sols ? A Figeac, on a tranché, et l'on parle d'identité du Château Figeac, voilà tout. En 2012 le côté structuré du cabernet sauvignon ressort, rapprochant Figeac des crus médocains. Encore trop jeune, le vin est strict et devra être attendu.

A gauche la pimpante Marie-Sophie Gauthier de Figeac sourit tandis que sa voisine s'époumone pour convaincre son interlocuteur

A gauche la pimpante Marie-Sophie Gauthier de Figeac sourit tandis que sa voisine s'époumone pour convaincre son interlocuteur

Des contrastes encore plus forts en Rive Gauche

Le ton est donné : l’hétérogénéité. Je choisis d’explorer un peu plus avant l’« atypicité » bordelaise. Il faut avancer, laisser la rive droite derrière moi et me tourner vers la Rive Gauche. J’y découvre un château assez surprenant, Les Carmes Haut-Brion, seul domaine situé dans la ville de Bordeaux même. C’est l'un des derniers châteaux « urbains » du bordelais, racheté en 2010 par la famille Pichet. Ici les vins sont vinifiés en « grappes entières » avec une grande majorité de cabernets francs très mûrs et des élevages de 24 mois en barriques et foudres autrichiens. Quoi qu’encore trop jeunes, ces bordeaux possèdent une bouche dense, riche, chaleureuse, aux tanins puissants qui augurent un bon potentiel de garde.

Je continue mon périple en descendant la Garonne, ce qui, au Carreau du Temple, consiste simplement à traverser la salle. Pratique ! Je m’arrête pour goûter les Haut-Médoc de Cantemerle et Citran, voisins pour l'occasion. Le premier dégage une sensation de chaleur mais la bouche est légère et élégante avec une finale épicée. Le second est plus frais mais avec des tanins plus fermes et torréfiés. Les deux « font le job » et sont déjà agréables à boire. Géographiquement situé entre les deux, le Margaux de Dufort-Vivens est un des seuls châteaux de l'appellation à pratiquer la biodynamie. Sur ce millésime, le vin est très ouvert avec une belle finesse et présente déjà de jolies notes de sous-bois.

Les affaires sont les affaires et entre 2 commentaires on appelle Shanghaï

Les affaires sont les affaires et entre 2 commentaires on appelle Shanghaï

Un millésime difficile pour les liquoreux

Il aurait été dommage de conclure ce petit tour des Grands Crus du bordelais sans aller goûter les liquoreux de Barsac et Sauternes. Le millésime 2012 fut très compliqué pour ces appellations. Mais si Yquem et d'autres ont déclassé leur production faut-il pour autant négliger tout 2012 en liquoreux ? Et bien, tout dépend de votre tolérance aux sucres et à l'acidité. Car les conditions climatiques étaient réunies pour élaborer des vins plus légers, moins sucrés (autour de 130 grammes de sucres résiduels tout de même) et plus acides. Certes, ces vins ne sont pas destinés à une longue garde, mais ils sont du coup plus frais qu’habituellement. J'irais même jusqu'à dire plus adaptés aux goûts d’aujourd’hui. Trempez-y les lèvres pour vous faire une idée !

L'or du sauternes fera toujours rêver, même les années difficiles comme 2012

L'or du sauternes fera toujours rêver, même les années difficiles comme 2012

Honnête mais hétérogène

Globalement 2012 est un millésime honnête pour Bordeaux, plus réussi sur la Rive Droite que sur la Rive Gauche. Honnête pour la qualité, même si elle est hétérogène, et plus honnête que 2011 pour les prix. En 2011 personne à Bordeaux n’avait voulu comprendre que la fête était finie et les prix avaient peu baissés. 2012 a ramené la région a plus de raison, même si, évidemment, après les hausses colossales de 2009 et 2010, en tous cas sur les Grands Crus, on est encore loin des prix de 2008. Mais il faut guetter les bonnes opportunités sur ces vins de consommation plus rapide qui permettront de faire vieillir les 2009 et 2010 tranquillement. Car n’oublions pas que si le « Bordeaux bashing » est à la mode, la région offre un des plus beaux savoir-faire vinicole mondial, avec un savant mélange de qualité et de prestige, et ce, à tous les prix.


Jules Lamon (www.wineandthecity.fr) envoyé spécial du Coureur de Vin.

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