750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Le Coureur de Vin

Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus

Le jeudi 14 mars, on attaque une grosse journée du bon pied, après un séjour confortable dans un parador, ces sites historiques transformés en hébergements de charme, dans notre cas un ancien couvent cerné par les nids de cigognes. Malgré le dîner pantagruélique de la veille, conclut par une Muerte del Chocolate arrosée d’un Gran Reserva Marqués de Murrieta, c’est léger qu’on grimpe dans notre minibus vert sauterelle conduit nerveusement par Luis-Miguel, jeune chauffeur fougueux et rugueux qui peinera à se dérider. Il donnera à Linda, notre « flying dineuse » qui n’aime pas plus les engins roulants que les engins volants, quelques sueurs froides.

Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus
Un des plus anciens domaines de la région

Le gros morceau de la journée c’est VINA TONDONIA, le 3ème plus vieux domaine de la région, après les sus-nommés Marques de Riscal et Marques de Murrieta. Notre hôte Jose Luiz Ripa, directeur commercial, est à la fois parfaitement francophone et très à l’aise. Il nous prend gentiment par la main dans la boutique à l’entrée du domaine, sorte de capsule moderne de métal et de verre dessinée par Zaha Hadid, la célèbre architecte irako-britannique, avec laquelle tranche très bien un ancien kiosque de bois ouvragé qui servait de stand à la bodega sur les foires régionales. Ce mélange de modernité et de classicisme illustre très bien Vina Tondonia, sorte de gardien d’un classicisme sans défaut, qui laisse rentrer la modernité à condition qu’elle s’intègre, ou qu’elle accompagne la tradition.

Jose Luiz Ripa dans le caveau de dégustation

Jose Luiz Ripa dans le caveau de dégustation

Si les installations ne sont pas beaucoup moins impressionnantes que celles de Marques de Riscal, même si le domaine ne fait ici que 170 hectares, une broutille, on n’a jamais le sentiment d’être dans un truc gigantesque. Tout respire ici la tradition. C’est parfois moderne, mais à condition que ça ne se voit pas, ou pas trop. On s’attendrait presque à croiser un ancêtre de la famille Lopez des Heredia au détour d’un couloir, comme si ceux qui avaient fait ce domaine depuis 1877 n’étaient jamais vraiment partis.

Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus
Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus

Cette sensation chaleureuse et artisanale, on la gardera jusqu’au caveau de dégustation, lui aussi décoré de ces éléments de décors anciens. Les vins blancs, essentiellement composés du cépage locale viura, nous surprennent délicieusement avec leur robe dorée, leur rondeur suave et corpulente, développant des arômes de coing et de fruits mûrs. Les rouges ne sont pas en reste, avec là encore des prix de départ cave très raisonnables pour des millésimes du début des années 2000.

Le Vina Tondonia Tinto Gran Reserva 2001, composé de raisins du secteur phare du domaine, essentiellement du tempranillo, est à une vingtaine d’Euros. Un prix à se demander pourquoi on n’en boit pas plus souvent. Mais c’est évidemment le 1981 qui nous laisse le plus beau souvenir. Ce vin de plus de 30 ans est parfaitement homogène et souple, d’une digestibilité là encore très éloignée de nos à prioris. Et dire que ceux qui passent par là peuvent l’emporter pour une centaine d’Euros seulement, à condition d’être aimable, comme notre hôte et ses vins, évidemment.

Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus
Les vignes de Remelluri

Les vignes de Remelluri

Un lieu bucolique

On est ensuite reçu à la Granja Nostra Senora de Remelluri, qu’on appellera REMELLURI si personne n’y voit d’inconvénient. On est reçu par Amaia Rodrigez, seule femme d’une fratrie de quatre, qui gère le domaine acquis par ses parents en 1968. Ils cherchaient à l’époque une résidence secondaire. Le père se pique au jeu de la vigne et remembre patiemment le domaine des moines jéronimes du XIVème Siècle, faisant passer ses 25 hectares initiaux à 150, dont 105 plantés en vignes. Comme nous l’indique Amaia, la Rioja c’était la pampa dans les années 60. La terre ne valait rien et tout était en ruine. Il fallait tout faire et la famille Rodrigez n’a pas ménagé sa peine. Le résultat est là désormais, sur ce flan de coteau charmant d’où la vue porte loin dans la vallée.

Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus

Le domaine produit quatre vins, un blanc et trois rouges. Les traditionnels Reserva (3 ans de vieillissement dont un en barriques) et Grand Reserva (5 ans de vieillissement dont 2 en barriques) ainsi que le Lindes de Remelluri. On goûte quelques vieux millésimes lors du déjeuner charmant dans cet endroit isolé et bucolique. On se rend compte que les millésimes récents bénéficient pleinement du retour sur le domaine en 2009 du frère Telmo qui apporte ici le savoir-faire glané ailleurs pendant quinze ans. Le potentiel est énorme et la propriété devrait gagner en notoriété.

Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus
Et puis parfois on est déçu !

La déception de la journée est le domaine CONTADOR, fondé par Benjamin Roméo en 1995, dont on avait déjà remarqué les étiquettes imagées chez Lavinia et dont le site Internet, très bien fait, nous avait mis le vin à la bouche. L’endroit est étrange, une bodega moderne achevée en 2008 et qui ressemble à la base du méchant dans un vieux James Bond des années 60. Un site tout de béton gris foncé, destiné à s’intégrer dans la colline, mais dont le modernisme sonne faux. On sent là la volonté de faire design, le rendu ne nous ayant pas convaincu malgré quelques idées intéressantes comme ce tuyau de cuve déguisé en rampe.

Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus
Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus

On se croirait perdu dans une sorte musée d’art contemporain provincial, le résultat s’avérant plus prétentieux que convainquant, et surtout extrêmement froid. Ce n’est pas la faute de notre guide, une sympathique jeune femme faisant partie de l’équipe technique qui comprendra à notre silence poli qu’on n’est pas tout à fait séduit. Il faut dire que les vins semblent avoir été conçus pour Robert Parker, le fameux guide les notant généreusement : démonstratifs, puissants, tanniques, et surtout hyper-boisés ! Une déception très nette pour le groupe. Même si on doit reconnaître humblement que ce style très moderne a ses aficionados, nous avions choisi d’être dans le camp du classicisme. Nous nous étions donc trompés d’adresse.

Une fin de journée qualitative avec une des plus belles réussites de la région

La journée, fort longue, se conclut à l’hôtel, situé à 3 heures de là, à Quintanilla de Onésimo, le village du DOMINIO DE PINGUS, célèbre vin de garage fondé par Peter Sisseck, un Danois, et dont la visite est prévue le lendemain. Mais la dégustation a lieu le soir même à l’hôtel pour des raisons d’emploi du temps. Une jeune femme charmante et apprêtée, comme savent le faire les russes qui veillent scrupuleusement à leur féminité, nous accueille dans un salon. Elle s’appelle Yulia Zdhanova, a le titre de deuxième maître de chai, parle couramment le français, l’anglais, l’espagnol, le russe évidemment, et nous apparaît aussi délicieuse que compétente. On achèterait bien un domaine rien que pour la recruter.

Yulia au service devant notre organisateur, attentif

Yulia au service devant notre organisateur, attentif

On découvre donc les vins sans savoir grand chose du domaine, si ce n’est qu’il est réputé et le cru star qui porte son nom, Pingus, fait le bonheur des amateurs du monde entier, sa rareté n’étant pas le dernier de ses arguments puisqu’il s’en produit seulement 8 fûts par an. On commence par les 2012, en cours d’élevage, qui s’avèrent évidemment trop jeunes, même si le boisé, encore très présent, n’écrase pas une matière qu’on devine très riche, que ce soit pour le grand vin, produit sur 4,5 hectares, que pour le Flor de Pingus produit sur une vingtaine d’hectares, souvent dans le cadre d’un partenariat avec des vignerons locaux.

Astérix en Hispanie J2 : de Vina Tondonia à Pingus

On goûte également le PSI 2010, une cuvée faite avec des achats de raisins sur des parcelles de veilles vignes. On apprend au passage que la Ribeja del Duero, région dans laquelle on se trouve désormais, est passée de 10.000 hectares à 220.000 hectares en 30 ans. Les vieilles vignes y sont donc une rareté et cette cuvée a vocation à aider à les préserver car elles sont trop souvent arrachées car plus assez productives. On fera de ce vin notre compagnon du dîner. Même s’il ne peut rivaliser avec les Pingus 2010 et 2008, également goûtés, il s’avère un camarade plus souple, plus polissé, propre à satisfaire en douceur un organisme fatigué qui finira par retrouver avec soulagement la position horizontale du dormeur repus.

A suivre le 3ème jour avec la visite de Pingus puis Vega Sicilia, LA star du voyage, puis le Consejo Regulador, Vina Sastre et Abadia Retuerta...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article