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Publié par Le Coureur de Vin

Astérix en Hispanie J3 : Le grand jeu à Vega Sicilia

Le vendredi matin, on démarre en voisins avec une visite express des installations du Dominio de Pingus. La Yulia des salons a cédé la place à la Yulia des chais qui nous reçoit en tablier bleu marine et bottes jaunes. La cave est petite et très bien tenue, avec un soin du détail naturel poussé à l’extrême. La salle des cuves ne comporte pas de peintures industrielles mais un enduit à la chaux qu’il faut renouveler régulièrement. Les cinq cuves bois de Pingus font face à une douzaine de cuves inox pour Flor. Psy est vinifié dans d’autres installations. Le chai à barriques, sur deux étages, contient la production de l’année au rez-de-chaussée et celle de l’année précédente au sous-sol.

Yulia, tout lui va !

Yulia, tout lui va !

Mais c’est surtout le laboratoire au premier qui semble particulièrement réjouir notre hôte, diplômée en chimie, car il leur permet de faire des recherches poussées sur les levures et les arômes. Le chromatographe tout neuf est une espèce rare que même l’INRA de Bordeaux ne possédait pas quand Yulia y était. On a au final l’impression d’avoir visité un atelier de haute-couture, modeste par sa taille, mais pointu par son organisation et ses installations.

Etranger tu pénètres au royaume de Vega Sicilia accompagné d'un vigile

Etranger tu pénètres au royaume de Vega Sicilia accompagné d'un vigile

On enchaîne avec LE gros morceaux de la journée, et même du voyage : VEGA SICILIA ! Le domaine qui m’a convaincu de faire ce voyage. Ca ne rigole pas à l’entrée de chez Vega et on a un peu l’impression de venir visiter le Pentagone. Il faut dire que les propriétaires, la famille Alvarez, qui a racheté Vega en 1982, est une de plus riches d’Espagne et a subi un temps les menaces de l’ETA. Un 4x4 vient nous chercher à l’entrée et escorte notre minibus vers les installations, le garde restant avec nous le temps de nous mettre dans les mains de Xavier Ausas, le directeur technique formé à Bordeaux et qui parle donc couramment français. Comme il fait frais, l’homme nous accueille couvert d’une casquette de laine et d’un manteau de peau aux larges revers de fourrure. Un pantalon verre olive, une chemise blanche floquée du drapeau espagnol et quelques gris-gris de cuir complètent le tableau. Pas de doute, c’est un latin !

Les cuves de l'Unico

Les cuves de l'Unico

Xavier Ausas nous entraîne vers le chai tout neuf qui a été mis en service en 2010. Les installations, splendides, ne cherchent pas l’épate esthétique. Tout est mis au service du raisin et du vin, de façon à ce que le processus de fabrication soit totalement maîtrisé. Dans la salle de contrôle, Xavier nous parle du domaine, gigantesque, 1000 hectares dont 250 de vignes, et ça rien que pour l’Unico et Valbuena, car la famille possède aussi d’autres domaines comme Alion dans la région ou Pintia en appelation Toro.

Une carte du parcellaire nous permet de constater que Vega Sicilia est l’équivalent d’une appellation de Bourgogne à lui tout seul, avec ses meilleures parcelles à flanc de coteau ainsi que de nombreuses autres dans la plaine, de l’autre côté de la route, là où nous nous trouvons. Une étude de terroir en 1998 a permis de déterminer 19 types de sol et aujourd’hui chaque parcelle est vinifiée séparément dans 81 cuves en Inox pour Valbuena et 25 cuves en bois pour Unico.

Xavier nous explique tout le cheminement du raisin depuis son arrivée dans le chai jusqu'à sa transformation dans les cuves. S’il serait fastidieux de tout détailler, tout a été admirablement pensé pour que chaque étape soit optimisée et que seule la gravitation soit utilisée. On sent que le directeur technique, qui a même fait installer des plaques de cuivre coulissantes pour préserver de l’oeil des visiteurs les annotations manuscrites sur les cuves lors de la vinification, est très fier de son outil. Et il y a de quoi !

Xavier Ausas dans la tonnellerie car à Vega on fabrique soi-même ses fûts

Xavier Ausas dans la tonnellerie car à Vega on fabrique soi-même ses fûts

Mais nous ne sommes au bout de nos surprises, car Vega Sicilia c’est un monde en soi. Nous découvrons la suite des installations, un autre bâtiment abritant la tonnellerie du domaine d’où sortent entre 500 et 700 barriques par an. Le domaine utilise 50% de bois américain, qui nécessite une chauffe et un séchage longs pour éviter les arômes vulgaires de noix de coco, et 50% de bois français.

Dans le chai de vieillissement, Xavier nous explique les différentes étapes de celui-ci avec une phase de musculation du vin dans le bois neuf, puis une phase d’éducation dans des barriques usagées, puis une phase de récupération dans des grands fûts qui permettent de faire un pré-assemblage avant l’assemblage final. On découvre enfin les dizaines de milliers de bouteilles stockées là, car le Valbuena passe 3 ans en barriques et 2 ans en bouteille tandis que l’Unico reste entre 6 et 9 ans en barriques puis 3 ans en bouteilles.

Astérix en Hispanie J3 : Le grand jeu à Vega Sicilia
En route vers la dégustation

En route vers la dégustation

On se rend finalement dans la grosse maison de maître moderne près du parking où le bus nous avait déposé. L’intérieur, lui, est très classique et nous sommes reçu autour d’une gigantesque table de dégustation en bois vernis dans une pièce circulaire décorée de rideaux lourds.

Une dégustation d'apparat avec commentaires du directeur technique

Une dégustation d'apparat avec commentaires du directeur technique

On goûte alors toute la production espagnole de l’entreprise, soit, en 2009, PINTIA, vin assez puissant, puis ALION, vin beaucoup plus délicat, MACAN CLASSICO et MACAN, les deux « petits » nouveaux qui ont fait l’objet d’un patient travail d’achat de vignes dans la Rioja avec les Rothschild et dont c’est le premier millésime. Viennent en suite les vins de Vega Sicilia à proprement parler, soit VALBUENA 2008, millésime difficile qui donne un vin très souple et très digeste, un vrai Bourgogne, puis UNICO 2003, beaucoup plus profond tout en restant très sensuel, et enfin un RESERVA ESPECIAL, soit l’assemblage de 3 millésimes, ici des années 90, qui permet au directeur technique de faire une sorte de vin idéal… et qui n’est pas loin de l’être.

On ressort de là étourdis, séduits, et très en retard, avec le sentiment d’avoir passé un grand moment et d’avoir été très bien reçu. Un souvenir qu’aucun membre du groupe n’oubliera !

La salle de dégustation du Consejo Regulador de la Ribera del Duero

La salle de dégustation du Consejo Regulador de la Ribera del Duero

On enchaîne, on enchaîne !

Evidemment difficile de passer après ça, d’autant plus qu’on arrive avec deux heures de retard au CONSEJO REGULADOR de la Ribera del Duejo où Agustin Alonso Gonzalez, qui connaît bien notre hôte à Vega, a réussi à garder le sourire. Il est obligé d’écourter sa présentation, mais il faut dire qu’on sait déjà pas mal de choses sur la région, ses cépages et ses traditions. On apprendra quand même que la Ribera del Duero a connu un développement spectaculaire en 30 ans. Elle est passé de 6500 hectares de vignes en 1985 à plus de 21.000 aujourd’hui. Et sa production est passée de 560.000 bouteilles en 1982 à... quasiment 78 millions en 2012 !! (pour les "geeks", toutes les states sont )

On peut alors attaquer un marathon de 27 vins dans cette très belle salle design, très clinique, parfaite pour déguster, les crachoirs étant intégrés au mobilier avec une petite pédale sous le pied pour faire couler de l’eau, mais à l’acoustique déplorable.

Comme il est plus de 14 heures, qu’on n’a pas encore déjeuné, on doit avouer que cette dégustation fut éprouvante et qu’on a connu une petite baisse d’attention au milieu du marathon. Mais on retiendra quand même que ce sont les vins de la BODEGA EMILIO MORO et de PAGO DE LOS CAPELLANES qui nous ont le plus plu, la première réussissant très bien ses entrées de gamme dans un style rond et fruité, tandis que le second se fait remarquer avec un très beau Reserva aux arômes de cuir et de cigare et un « El Nogal » à la fois puissant et rond. On bénéficie aussi de la présence de Sophie Kunh, la jeune vinificatrice française de la BODEGAS DE BLAS SERRANO, qui parvient bien à domestiquer la puissance naturelle des vin de la région avec un Mathis 2007 qui sort du lot.

Un peu de vie dans une Espagne en crise où beaucoup de boutiques sont vides

Un peu de vie dans une Espagne en crise où beaucoup de boutiques sont vides

On sort du Consejo Regulador affamé, bien qu’ayant dégommé deux coupelles de ces petits gressins destinés à éponger le palais, et on est ravi de gagner un bar à Tapas du centre de Roa, où on tâche de faire bonne figure en ne jetant pas sur les mets qui nous sont proposés. On se dit volontiers que la journée pourrait s’arrêter là et qu’on profiterait bien du soleil que la providence a bien voulu nous accorder. Mais le programme est chargé et il y a encore deux domaines à visiter.

Astérix en Hispanie J3 : Le grand jeu à Vega Sicilia
Plus c'est long, plus c'est bon, mais pas toujours

A VINA SASTRE, le directeur, qui serait sans doute bien parti en week-end, vu qu’il est plus de 17 heures, nous accueille un peu froidement. Le groupe, un peu sur les rotules, fait bonne figure et a réussi à conserver suffisamment de fraîcheur pour poser des questions pertinentes à notre hôte qui, voyant qu’on s’intéresse, se déride. Le domaine de 60 hectares est assez réputé et sa grande cuvée, le PESUS, du nom des deux frères Pedro et Jesus, et qui intègre du Cabernet Franc et du Merlot à ses 70% de Tempranillo, se vend quand même dans les 300 Euros. Malgré toute notre bonne volonté, on est quand même un peu fatigué et moins réceptif aux vins du domaine qui, bien que bien faits, jouent plus sur la puissance que sur la finesse. Pas notre came !

Astérix en Hispanie J3 : Le grand jeu à Vega Sicilia

On n’est plus du tout réceptif pour le dernier domaine, le fameux domaine « biologico », qui a le malheur de passer en dernier et ne fait pas grand chose pour se faire remarquer en bien, les vins étant trop froids et les millésimes anciens goûtés présentant des déviations aromatiques. On regrette définitivement de ne pas avoir profité de la magnifique lumière de fin de journée pour aller se dégourdir les jambes dans les vignes. On termine la journée dans un resto du coin, totalement désert en ce vendredi soir, histoire de nous rappeler que c’est la crise. Cela ne nous empêche pas de déguster la spécialité locale, le magnifique agneau de lait, découpé sous nos yeux par le chaleureux patron, avant de repartir définitivement fourbu pour notre hôtel.

A suivre, le dernier jour avec la visite d'Abadia Retuerta et la conclusion de ce voyage...

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