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Publié par LeCoureurdeVin

BBB (aka Bien Boire en Beaujolais) c'était la semaine dernière. Retour sur cette manifestation qui permet de constater le dynamisme de la région, la convivialité de ses vignerons... et les risques du succès.

 

BBB est organisé par les vignerons eux-mêmes. Il permet, pendant deux jours, de goûter la production de 250 domaines sur trois sites. Impossible d'aller voir tout le monde, surtout que les nuits y sont aussi longues que les jours, mais on y fait son marché aux gré de ses envies. Beaucoup de vignerons présentaient les 2018, parfois juste embouteillés, et les 2017, pour ceux qui ont été épargnés. Nos envies nous ont conduit au Château de Pizay qui hébergeait deux des cinq associations de l’événement. La Biojolaise a le vent en poupe. Les acheteurs aiment ces beaujolais dans l’air du temps, bios ou natures, fruités, faciles à boire.

 

Le jeune Yann Bertrand et sa célèbre mèche gominée faisaient le show, comme si le boys band Bros n’était pas qu’un souvenir des années 80. Parfaite incarnation de ces beaujolais glouglou qui plaisent aux bars à vins natures, la production des Bertrand offre cette buvabilité acidulée qui séduit. Les noms des cuvées sont rigolos, le type aussi, mais pas seulement. Son approche de la biodynamie, à laquelle il s’essaie sur son morgon et son fleurie, est très réfléchie. Il se laisse le temps d’observer et de constater.

 

Juste en face, ses camarades du Domaine Thillardon sont portés par le même souffle. « Paulo », Paul-Henri pour les non-intimes, fait aussi le show, ce qui lui permet de draîner une clientèle féminine pas seulement sensible aux charmes du PH. Là aussi, le style regarde du côté nature, avec des vins faciles à boire, mais un chénas Carrières démontre que chez les Thillardon on sait aussi faire plus sérieux, comprendre plus austère.

Paul-Henri Thillardon garde un oeil sur son public féminin (et sa femme garde un oeil sur lui)

Paul-Henri Thillardon garde un oeil sur son public féminin (et sa femme garde un oeil sur lui)

Yann Bertrand : des vins fruités, un vigneron concentré

Yann Bertrand : des vins fruités, un vigneron concentré

Nature & Découvertes

Au rayon des belles découvertes, le Domaine Séléné de Sylvère Trichard. Les étiquettes sont fantastiques, illustration du sens aigu du marketing des générations montantes. Mais derrière le sens du visuel accrocheur se cache un vigneron qui fait intelligement la synthèse de ses envies et des réalités économiques. Là aussi la biodynamie est en marche. Le domaine s’est donné le temps de pouvoir y mettre les moyens afin de ne pas devoir rendre les armes face à une nature loin d’être toujours nourricière. Au Domaine Séléné chaque décision est soupesée, donc les vins sont protégés à la mise quand c’est nécessaire, n’en déplaise aux intégristes du sans soufre. Mentionnons dans la gamme le beaujolais nouveau 2018, vinifié pour ne pas qu’être nouveau.

Autre vigneron bien dans son époque, David Large. Malgré sa casquette de skateur et son T-shirt Iron Maiden, il ne fait pas que dans la citation contre-culturelle post-moderne. Là aussi les vins ont des noms originaux : Massaï, Nazareth, Nelson, Gamayhameha. On retient le plus classique moulin-à-vent Roche Noire, plein de fruit, mais qui n’oublie pas de monter en puissance en fin de bouche.

Un vent de modernité souffle dans les vins du Beaujolais... et sur les étiquettes

Un vent de modernité souffle dans les vins du Beaujolais... et sur les étiquettes

Hard rock, soft wines, by David Large

Hard rock, soft wines, by David Large

Les coureurs de fond

À l’étage du dessous, l'association Beaujol’art réunit des vignerons plus traditionnels. Moins d’étiquettes décalées, moins de stylisme, moins de bio. Mais pas moins de vin. Il suffit de goûter ceux du très sérieux Eric Janin à Moulin-à-Vent ou des très ambitieux Desvignes à Morgon pour s’en convaincre. Même si le marché semble encore avoir du mal à intégrer que, oui, on peut faire des grands vins de garde en Beaujolais, avec du fond, du terroir, du tanin serré, les amateurs qui aiment la garde ne doivent pas passer à côté de ces domaines. Mais comme tout le monde n’est pas patient, on a pu constater que les nouvelles cuvées des Desvignes, Corcelette et Montpelain, offraient plus de fraîcheur aromatique en jeunesse, histoire de plaire aussi à ceux qui veulent l’immédiateté du fruit. Sans renoncer au fond, évidemment.

 

On croise également un vigneron qui n’a jamais été accepté dans l’équipe de basket, mais qui est grand par ses ambitions. Le spontané et chaleureux Nicolas Chemarin poursuit son petit bonhomme de chemin, de moins en moins planqué dans son village de Marchampt. Sa cuvée générique, P’tit Grobis, est gourmande et incarne parfaitement le « value for money » cher aux anglo-saxons. Mais c’est son parcellaire Le Rocher qui devrait en faire un vigneron qu’on se vante de fréquenter. Même si la nature n’a pas épargné cette parcelle de beaujolais-villages en 2017, le vin est là, toujours aussi séduisant, mélange de sérieux et de facétie fruitée. Ce qu’on appelle un vin complet, qui défie les lois du libre-échange par son rapport qualité-prix.

Nicolas Chemarin regarde au loin et garde le cap

Nicolas Chemarin regarde au loin et garde le cap

Ouvre ton esprit jeune Skywalker !

Ces domaines ne sont qu’une courte sélection de ce qu’on trouve dans une région qui a le vent en poupe. Même si le petit bosquet des domaines qui montent ne cache pas la forêt dense d’une production industrielle médiocre, celle qui préempte trop souvent l’image du Beaujolais dans l’esprit du public, le renouveau infuse irrémédiablement. Mais il ne faut pas pour autant tomber dans le dualisme contemporain qui cherche bêtement à opposer grands domaines Vs petits domaines ou bio Vs chimie. Ça n’est pas parce que l’époque est réductrice que le consommateur doit lui aussi se vautrer dans les poncifs et les raccourcis.

Oui, des domaines qui ne sont pas en bio font des grands vins, n’en déplaise à leurs contradicteurs. Être en bio c'est bien. Évidemment. Mais ça n'est pas le bien. Ne pas être en bio ne veut pas dire qu’on adule le dieu Monsanto, mais seulement qu’on veut conserver une certaine maîtrise sur la nature et ses caprices. Et sans renoncer totalement aux joies de la science et de ses adjuvants, nombreux sont les vignerons qui cherchent à réduire leur usage des produits nocifs sans pour autant passer le cap du bio. Oui, des grands domaines, indépendants ou liés à des groupes, prennent le train des usages contemporains et de la qualité. Même si le vigneron indépendant qui vous paie un coup à boire tard le soir est sympathique, l’oenologue bien formé, et plus distancié, vous garantie maîtrise et régularité. Préférer l'un n'autorise pas à cracher sur l'autre. Et vice-versa.

Stéphane Lardet (Maison Le Nid) fait de l'ombre au mur, en attendant d'en faire à ses voisins.

Stéphane Lardet (Maison Le Nid) fait de l'ombre au mur, en attendant d'en faire à ses voisins.

Tous ensemble, tous ensemble, tous ensemble, hey !

 

Il y a de la place pour tous dans le Beaujolais. La région aurait grand tort de se spécialiser dans une seule sorte de vin. Le gamay n’est pas que le cépage de la macération carbonique totale, du PH bas, voire de l’acétate d’éthyle qui plait parfois tant au bobo gogo. Même si la demande parisienne ou newyorkaise de vins naturels légers et fruités donne le La de la tendance, le Beaujolais n’a pas vocation à ne produire que ça.

 

Louis-Benoît Desvignes l’a bien compris. Il vient de rendre sa couronne de président de BBB après sept ans de macération. Il croit très fort dans le gamay et le Beaujolais. Il croit très fort dans l’unité. Il a compris qu’une région dynamique était l’alliance de ses différentes composantes. BBB c’est l’incarnation de son combat pour ça, avec la Beaujoloise historique et la Biojolaise, mais aussi Beaujol'Art, Beauj’All Wines et les Gamay Chics. Il a payé de sa personne pour savoir que les égos sont parfois difficiles à canaliser, que les vignerons veulent souvent avoir raison contre leur voisin, et se contentent rarement de faire ce qui leur plait sans porter de jugement définitif sur les autres. 

 

D’autres après lui, et après Jean-Gilles Chasselay, qui l’a secondé, ne devront pas oublier que le succès n’est pas moins difficile à gérer que l’échec. Avec lui viennent les certitudes, les prétentions, les égoïsmes. Les attaques d’égo ne sont pas moins dangereuses que celles de mildiou. Le Beaujolais est sur la bonne voie. Pourvu qu’il y reste. Et qu’il se préserve du syndrome du village gaulois : se chamailler plutôt que réussir tous ensemble. Certains l’ont compris. D’autres pas. Allez, buvons un coup tous ensemble pendant qu'il est encore temps. De beaujolais, évidemment.

Play it again Marc (Delienne) ! Rendez-vous l'année prochaine BBB...

Play it again Marc (Delienne) ! Rendez-vous l'année prochaine BBB...

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