750 grammes
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Publié par LeCoureurdeVin

Le printemps viticole bat son plein. Aux Grands Jours de Bourgogne a succédé les Primeurs de Bordeaux et maitenant la Champagne Week. L'occasion d'aller goûter les premiers jus du millésime 2015 et de fûreter dans cette Champagne de vignerons qui s'épanouit à l'ombre des grandes maisons.

Tous les ans la Champagne Week (également appelée Le Printemps du Champagne) a lieu en avril et permet à tous les importateurs, distributeurs, restaurateurs et autres cavisteurs de rencontrer leurs fournisseurs et d'en découvrir éventuellement de nouveaux. C'est aussi l'occasion de goûter les vins clairs des vendanges précédentes, soit cette année les 2015. On entend par vins clairs les vins qui donneront naissance au Champagne une fois que le processus d'élaboration sera achevé (assemblage, prise de mousse, liqueur de dosage, etc.). Les goûter est un exercice destiné aux professionels qui leur permet de se faire une idée de la physionomie du millésime. Exercice pas si compliqué cette année car si ces vins clairs peuvent parfois être très acides, ils sont en 2015 très mûrs et déjà plaisants. C'est une belle année, en particulier pour les pinots noirs.

Les Salons de l'Hôtel de Ville de Reims accueillent dignement Les Mains du terroir

Les Salons de l'Hôtel de Ville de Reims accueillent dignement Les Mains du terroir

La Champagne Week ne bénéficie pas d'une organisation centralisée mais les vignerons s'assemblent dans des groupes par affinités, chaque groupe organisant son événement. On commence par rendre visite aux vignerons réunis dans "Les Mains du Terroir" qui reçoivent à l'Hôtel de Ville de Reims, lieu majestueux et spacieux. Le même jour a lieu "Bulles Bio" qui draîne une partie des visiteurs, ce qui permet de ne pas avoir à jouer des coudes à Mains du Terroir. Seize domaines familiaux champenois y sont réunis. L'occasion par exemple de rencontrer Eric Rodez dont la réputation des Champagne vineux d'Ambonnay était parvenue à nos oreilles. Accompagné de son fils Mickaël, et vêtu de lunettes rouges audacieuses, Eric fait goûter ses Champagne avec beaucoup d'amabilité. La production est essentiellement en pinot noir, ce qui donne des vins plutôt amples qu'on apprécie. Mais le style maison ne peut se réduire à cela, les lieux-dits Beurys et Genettes donnant par exemple des Champagne assez fins. En bon amateur de Champagne vineux on a beaucoup aimé Empreinte Pinot Noir 2004 qui offre une grosse aromatique au nez et une bouche ample.

Derrière la bouteille on aperçoit les lunettes rouges d'Eric Rodez

Derrière la bouteille on aperçoit les lunettes rouges d'Eric Rodez

On fait aussi des découvertes comme le Domaine Penet-Chardonnet à Verzy. Repris  par Alexandre Penet et sa femme Martine depuis 2009, le domaine a manifestement de grosses ambitions. Alexandre Penet, Ingénieur des Arts et Métiers, est revenu sur le domaine familial après une carrière dans des grands groupes et a l'air de savoir ce qu'il veut. On sent en tous cas clairement qu'il ne tient pas à être pris pour le type jamais sorti de sa campagne et échoué là faute de mieux. La cuvée TerroirEscence Grand Cru Extra Brut à dominante de pinot noir offre beaucoup de rondeur tout comme le lieu-dit Les Fervins Verzy Grand Cru sur le millésime 2009. A côté Les Blanches Voies 2010, 100% Chardonnay, offre un contraste intéressant avec une expression plus fine. Globalement tout ce qu'on a goûté chez Penet-Chardonnet était très recommandable. Seul bémole, les prix sont déjà assez élevés (à partir de 50 Euros au domaine). Une gamme de négoce est manifestement plus accessible, mais on ne l'a pas goûtée.

Alexandre Penet essaie de nous jeter un sort mais son rationalisme d'ingénieur l'empêche d'utiliser la magie

Alexandre Penet essaie de nous jeter un sort mais son rationalisme d'ingénieur l'empêche d'utiliser la magie

On rencontre également Jean-Pierre Vazart et sa femme qui tiennent le Domaine Vazart-Coquart à Chouilly. On s'amuse de leur contraste de taille, au moins 30 cm les séparant l'un de l'autre. Ca n'empêche pas le duo de bien fonctionner et de se montrer particulièrement affable et acceuillant. Le domaine cultive essentiellement du chardonnay (94%) sur la commune de Chouilly. Le Brut Sans Année reçoit 25% de la réserve perpétuelle que le domaine entretien. Celui a base de millésimme 2012 est frais, finement effervescent, tout en subtilité. Globalement les vins du domaine expriment plutôt le côté fin du chardonnay, mais on n'a pas pu s'empêcher d'aimer la Solera 1982-2012, produite seulement à 1200 bouteilles, et qui s'est enrichie au fil du temps d'une rondeur miellée bien plus importante. Les prix sont très sages, donc il faut en profiter.

Attention, un Jean-Pierre Vazart s'est glissé dans cette photo, sauras-tu le retrouver ?

Attention, un Jean-Pierre Vazart s'est glissé dans cette photo, sauras-tu le retrouver ?

Le lendemain on attaque la journée chez Emilie Jeangeorges, attachée de presse qui organise des dégustations thématiques pour trois de ses clients, Pierre Gimonnet & Fils, Charles Heidsick et Mailly Grand Cru. L'occasion de discuter sur la terrasse avec Didier Gimmonet qui gère ce domaine familial avec son frère depuis 1987. Le Domaine Pierre Gimonnet & Fils exploite 28 hectares de vignes, que du chardonnay, et quasi exclusivement en Côte des Blancs. Ils cherchent à faire des vins de terroir qui soient le reflet du lieu qui les a vu naître. On apprécie leur Spécial Club 2010 composé d'une forte proportion de raisins en provenance de Cramant (61%). Le nez est fin, sur la fleur blanche, et la bouche est vive et crayeuse. L'acidité est encore très prégnante, mais elle promet au vin un bel avenir. Pour les impatients il faudra plutôt se rabattre sur le Spécial Club Oger Grand Cru 2012, lui aussi sur la finesse, mais plus aimable dès maitenant.

De son côté Mailly Grand Cru, la coopérative du village de Mailly, fait goûter sa cuvée l'Exception Blanche sur 4 millésimes différents. L'occasion de vérifier que 2002 est un grand millésime, qui en a encore sous le pied, tandis que 2000 aura surtout été un millésime marketing qui tient moins bien le coup que 1999. S'il vous reste des 2000, buvez-les !

Didier Gimonnet Superstar devant des professionnels séduits par cette rencontre

Didier Gimonnet Superstar devant des professionnels séduits par cette rencontre

On file ensuite à Terres & Vins de Champagne qui reçoit au Palais du Tau, juste à côté de la cathédrale de Reims. Là aussi un beau lieu où il est en revanche beaucoup plus compliqué d'accéder aux stands parce que l'assistance est compacte. Si Agrapart a déjà filé, on réussit à approcher le déjà très courtisé Alexandre Chartogne du Domaine Chartogne-Taillet qui remet le village de Merfy, au nord-ouest de Reims, sur la carte des amateurs de Champagne. Garçon très appliqué, Alexandre passe du temps avec chaque visiteur, quitte à oublier les quelques autres qui se pressent contre son stand. Ses parcellaires offrent une approche très fine de ses terroirs et de ses cépages. Son chardonnay Heurtebise s'exprime assez richement dans cette année solaire que fût 2009, tandis que les Beaux Sens (une parcelle utilisée dans sa cuvées Saint-Anne), un pinot meunier, fond dans la bouche.

Les vignerons à casquette (Alexandre Chartogne) parlent aux professionnels à casquette

Les vignerons à casquette (Alexandre Chartogne) parlent aux professionnels à casquette

On croise Raphaël Bérèche, lui aussi assailli sur son stand. Il affiche fièrement le T-Shirt de la manifestation qui dénonce sans ambiguité l'usage abusif des désherbants. Là aussi le travail parcellaire est pointu et on s'est régalé d'un Le Cran 2008, moitié chardonnay, moitié pinot noir, au nez complexe et qui infuse la bouche de façon persistante. Juste à côté se trouve Marie-Noëlle Ledru, qui termine sa carrière tranquillement avec les 1,7 hectares de vignes qu'elle a pu garder sur les 7 qu'elle exploitait à Ambonnay. Son Assemblage Brut à base de 2012 offre une belle rondeur tandis que le Brut Nature 2008, à 85% pinot noir, est à la fois pur et onctueux.

Raphaël Bérèche annonce la couleur avec le T-shirt anti-herbicide de Terres & Vins

Raphaël Bérèche annonce la couleur avec le T-shirt anti-herbicide de Terres & Vins

Pour conclure en beauté cette journée on file au Domaine Jacquesson à Dizy qui acceuille Trait-D-Union, manifestation qui a lieu une année sur deux en Champagne et qui regroupe six des domaines familiaux les plus côté de la région. Chacun présente au moins un 2009 ce jour-là.

La superstar du lot c'est évidemment Anselme Selosse du Domaine Jacques Selosse, l'homme qui a beaucoup oeuvré pour mettre les vignerons champenois sur le devant de la scène et mettre en valeur un travail très artisanal au plus près des terroirs. Si ce mouvement des vignerons de Champagne est très dynamique, et séduit beaucoup à l'étranger,  la réputation de la Champagne s'est historiquement faite sur la force de ses grandes maisons et leur capacité à assembler terroirs et années pour produire des Bruts Sans Année largement diffusés. Anselme Selosse travaillle avec son fils Guillaume qui petit à petit prend la main sur le domaine. La production est très qualitative. Les Champagne Selosse sont recherchés dans le monde entier. Ils coûtent désormais fort chers et sont malheureusement l'objet de pas mal de spéculation. Les vins s'expriment dans un registre assez riche, très arrondi, plus vineux qu'effervescent, tout en restant fins. Le 2002 goûté nous a confirmé qu'il faut vraiment attendre ce millésime.

Guillaume Selosse parle avec ses mains aux femmes subjuguées par ses vins (et ses cheveux)

Guillaume Selosse parle avec ses mains aux femmes subjuguées par ses vins (et ses cheveux)

On est content de rencontrer Francis Egly du Domaine Egly-Ouriet dont la réputation est également bien installée et qui a la particularité de produire un vin tranquille de pinot noir, le Côteau d'Ambonnay, qui s'est fait une belle réputation chez les amateurs de Bourgogne. Le Champagne 2009 présenté, assemblage des meilleures parcelles, garde encore beaucoup de fraîcheur et son côté acidulé est persistant en fin de bouche. Le 2006 a déjà un peu plus de patine avec une aromatique plus sur l'écorce d'orange confite que sur le citron. On a également pu goûter le Blanc de Noir issu de vieillles vignes plantées en 1946 au lieu-dit les Crayères à Ambonnay. Assemblé avec 60% de 2009 et 40% de 2008, la bouteille a été dégorgée en janvier 2016. On sent que le vin est très puissant mais cette puissance reste domestiquée en bouche. L'effervescence joue son rôle rafraichissant même si la masse du vin est très présente.

Francis Egly attentif tandis que Madame discute avec le fameux (Chez) Bruno de Dijon

Francis Egly attentif tandis que Madame discute avec le fameux (Chez) Bruno de Dijon

On retrouve la famille Larmandier qui exploite le domaine Larmandier-Bernier. Très décontractés en cette fin d'après-midi ils ont amené 3 millésimes en 9. Leur Vieilles Vignes du Levant 2009 garde beaucoup de fraîcheur et sa finale reste sur un zeste élancé de citron, même si les vignes sont sur une veine argileuse qui confère de la rondeur au vin. Le 89 est lui extrêmement ample, patiné, avec une aromatique très puissante qui marque durablement la bouche.

La famille Larmandier se prête au jeu des photographies. Putain de blogueurs !

La famille Larmandier se prête au jeu des photographies. Putain de blogueurs !

On a également le temps de faire notre petit marché chez les 3 autres vignerons de la dégustation. Le Domaine Jacquesson présente lui aussi un 2009 volumineux dont la finale reste fraîche et qui sera commercialisé en 2019. Le 2002 présenté, du même lieu-dit d'Aÿ, Vauzelle Terme, en a encore largement sous le pied et se montre même peu causant, preuve que ce millésime récompensera les plus patients. Le Domaine Roger Coulon présente un beau 2009 pour moitié pinot noir et moitié pinot meunier. Le nez est brioché et la bouche finement effervescente. Quand au Domaine La Closerie de Jérôme Prevost on aime partirculèrement son Fac Similé Rosé 2013, produit en très petites quantités, dont l'aromatique de framboise et de petits fruits rouges est très discrète mais infuse très longtemps la bouche.

Le verre est vide. Il va être temps de partir

Le verre est vide. Il va être temps de partir

La journée touche à sa fin. Il est temps de ressortir du chai de Jacquesson plongé dans la semi-pénombre. Les professionnels ravis s'éparpillent vers de nouvelles aventures. Les vignerons traversent nonchalament la rue avec quelques bouteilles pour finir en douceur cette journée-marathon dans les salons en face. Il est de temps pour nous de rentrer sur Paris et de laisser la Champagne Week se poursuivre.

On a eu l'occasion de revoir ou de découvrir quelques-uns des meilleurs vignerons. Ceux qui donnent un nouvel élan à la Champagne, et permettent aux amateurs d'apprécier la diversité de cette région qui ne repose pas que sur le savoir-faire à grande échelle de ses maisons réputées. Les étrangers l'ont compris depuis un moment, les italiens en particulier qui adorent ces cuvées rares de petits domaines. Reste aux français à se plonger dans les délices du terroir champenois et ses multiples expressions.

Allez le parisien, il est temps de retourner vers la lumière...

Allez le parisien, il est temps de retourner vers la lumière...

A Paris on trouve les Champagne d'Eric Rodez et de Vazart-Coquart à la cave Les Dilettantes 22 rue de Savoie dans le 6ème.

On trouve ceux du Domaine Jacques Selosse et d'Alexandre Chartogne aux Caves Augé et chez Lavinia.

Ceux de Marie-Noëlle Ledru sont disponibles chez Carvins au 379 rue des Pyrénnées dans le 20ème.

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