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Publié par LeCoureurdeVin

La Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France vient de publier ses chiffres pour 2015. Largement repris par la presse, avec des effets d'annonce dithyrambiques, ils n'en cachent pas moins une réalité plus contrastée. On a fouiné...

Les chiffres 2015 des exportations de vins & spiritueux français sont tombés. Ils sont partiellement repris dans la presse qui multiplie les titres victorieux, un peu comme s'il fallait absolument remonter le moral des troupes lors d'une bataille décisive. La réalité importe peu, il faut rassurer le peuple. On a donc eu droit à un florilège d'annonces triomphales. RTL titre "Record à l'export des vins et spiritueux français". France Info annonce "Un chiffre d'affaires historique". Le Républicain Lorrain dit "Le Vin français plus fort que le parfum". Et ainsi de suite. Tout va bien. La France du vin triomphe et écrase la concurrence.

Les jolis titres cachent parfois les vilains chiffres

Mais quand on creuse un peu, la réalité est beaucoup plus contrastée. Certes, c'est un fait, le Chiffre d'Affaires des exportations des vins et spiritueux 2015 est historique à 11,7 milliards d'Euros, soit une croissance de 8,7% par rapport à 2014. Sonnez trompettes !

Mais en Euros constants, la progression par rapport au précédent record de 2012 n'est plus que de 1,6%. C'est plus, oui. Mais pas beaucoup. Mais surtout, pour la troisième année consécutive, les volumes de vins expédiés sont en recul. On a perdu 16 millions de caisses en trois ans, soit chaque année l'équivalent de 25% des exportations de Bordeaux. Tout de suite ça fait moins rêver.

Les 3 points clef des exportations françaises de vins & spiritueux

Si on regarde dans le détail, le Chiffre d'Affaires record repose sur peu d'éléments. En fait 3.

- Le Champagne continue sa progression avec +4,8% en volume et +12,1% en valeur. Il reste le vin effervescent star à qui Spumante et Cava n'arrivent pas encore à faire de l'ombre.

- Le Cognac se reprend et augmente ses ventes en volume de 9%. Il représente 70% des exportations de spiritueux en valeur. Quand le Cognac va, tout va.

- L'Euro baisse inéxorablement. Il valait 1,39 Dollars en mars 2015 et n'en vaut plus que 1,12. Inévitablement nos vins sont plus attractifs pour les étrangers et notre chiffre d'affaires augmente.

Florilège de titres enthousiastes. Tout va bien. C'est nous les meilleurs.

Florilège de titres enthousiastes. Tout va bien. C'est nous les meilleurs.

Creusons pour trouver les chiffres cachés des exportations de vins & spiritueux

Quasiment tous les volumes de vins tranquilles baissent. Raréfaction de l'offre due à des récoltes moindres diront les optimistes. Ou alors concurrence accrue des autres pays et moindre attractivité de nos vins diront les pessimistes. Pour faire simple, les grands Bordeaux et les grands Bourgogne font chavirer les têtes de bien des étrangers prêts à mettre n'importe quel prix pour les acquérir (parfois dans l'unique but de matérialiser leurs liquidités et de faire d'éventuelles plus-values en les revendant). Mais le reste de nos vins se traînent. En volume le Beaujolais perd 7,6%. Les IGP du Languedoc-Roussillon perdent 16,2%. D'une façon générale les "vins tranquilles sans IG avec cépage" perdent 16,6%. La situation est claire : nos vins simples, ceux qui ne font pas rêver, sont trop chers et se font défoncer par la concurrence à bas prix des vins chiliens, argentins, australiens ou néo-zélandais.

Tous les pays sont-ils les amis du vin français ?

Si on regarde le détail des marchés, 85% de l'augmentation des exportations en 2015 est due aux Etats-Unis et au groupe Chine/Hong-Kong/ Singapour.

La bonne nouvelle est que les USA est un marché structurellement en augmentation, on y boit de plus en plus de vin, et les vins français en profitent bien. Dans le groupe Chine, c'est une reprise après l'accalmie des 2 dernières années, mais il est quasiment certain qu'on ne retrouvera pas la croissance frénétique des années 2010-2012.

Géographiquement nos exportations de vins et spiritueux se font sur 3 pôles. Le premier c'est le marché nord-américain avec les USA et le Canada qui représentent quasiment 3 milliards d'Euros, soit 25,5% de nos exportations. Le deuxième c'est le marché de nos voisins européens avec le Royaume Uni, l'Allemagne et la Belgique qui représentent 2,85 milliards soit 24% de nos exportations. Enfin le bloc Chine, Singapour, Hong-Kong représente 2 milliards et 17,5% de nos exportations. La Russie, elle, s'est effondrée.

Le commerce est une guerre mondiale que la France perd trop souvent

La conclusion de tout cela c'est que la part de marché des vins français dans les échanges mondiaux a été quasiment divisée par deux en volume au cours des quinze dernières années. En valeur on a perdu un tiers.

Les choses ne vont pas aussi bien que les titres triomphants voudraient nous le faire croire. La concurrence est féroce. Les pays du nouveau monde plantent à tour de bras. Leurs legislations permissives et des volumes importants leur permettent d'être hyper-compétitifs et d'augmenter inexorablement leurs parts de marché. Et des accords de libre-échange comme ceux qu'ont signés l'Australie et la Chine ne vont pas tarder à faire sentir leurs effets sur les chiffres.

Plus que jamais la filière française doit se retrousser les manches. Les succès, réels et réjouissants, de quelques produits, appelations ou domaines, ne doivent pas être le pied de vigne qui cache la parcelle. Si la Romanée-Conti ou le Château Lafite atteignent des sommets de prix, dans d'autres régions on arrache de la vigne. Et même à Bordeaux, l'écart est gigantesque entre la cinquantaine de grands châteaux qui brillent dans les ventes et le reste de la production.

Dans le vin et les spiritueux, comme ailleurs, le libéralisme fait sa loi. Et le petit vin de pays français, pas toujours bon et toujours plus cher que ses concurrents étrangers, a des soucis à se faire. Le coq français peut chanter à tue-tête sur son tas de fumier, il finira tôt ou tard par être ratrappé par la réalité. Mais on sait bien qu'en France seule l'idéologie compte. L'idée qu'on se fait des choses. La réalité, ça n'existe pas. Alors chantons, avant que la ligne Maginot de nos illusions ne cède : "On est les champions, on est les champions, on est, on est, on est les champions"...

 

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J
au moins c'est dit ! Merci. Nous avons eu pas mal de discussion sur ce sujet, non ?
Répondre
L
Et nous en aurons encore, sur ce sujet là et sur d'autres... :-)
N
Bien vu
Répondre
L
Merci ! :-)