750 grammes
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Publié par LeCoureurdeVin

Suite de nos visites en Côte de Beaune avec le Domaine Roulot piloté par le Célèbre Jean-Marc Roulot

Comme on s'est attardé auparavant chez Morey-Coffinet, on arrive quasiment à la bourre au Domaine Roulot. Presque un crime de lèse-majesté tant Jean-Marc Roulot est une figure de Meursault et un phare du chardonnay de Bourgogne pour les amateurs du monde entier.

Quand le Roulot roule sa bosse entre Meursault et Paris

Il nous semble presque superflu de présenter ce personnage tant il est connu comme le loup qui fait du blanc dans le monde du vin. L’histoire de Jean-Marc est pourtant singulière. Originaire de Meursault, il ne voulait pas rester coincé dans son village viticole, mais partir croquer la vie là où son instinc lui disait d'aller. Il a tout de même commencé à travailler avec son père, mais à l'automne 1978 son tempêrament l'a entraîné à Paris pour devenir comédien.

C'est une adaptation théâtrale de Martin Eden qui lui a servi de révélateur. Ce roman méconnu de Jack London, largement autobiographique, narre les déboires d'un homme asservi par le travail manuel alors qu'il ne rêve que de vivre de sa plume. On imagine comment le jeune Jean-Marc a pu y trouver un écho à ses propres envies d'ailleurs. A Paris il réussit à intégrer le convoité Conservatoire d'Art Dramatique à force de volonté. Mais le destin contrarie souvent les volontés. La mort prématurée de son père en 1982 oblige le vingtenaire cultureux, ainsi que sa soeur Michèle, à remettre les mains dans les affaires familiales.

Jean-Marc a poursuivi sa carrière de comédien mais a du superviser les affaires du domaine dont la direction fut confiée à deux gérants dans les années 80. C'est à partir de 1989, bonifié par l'âge, comme les bons vins, et rattrapé par son héritage, par son histoire, et par les vignes, ces lianes qui vous lient, que Jean-Marc s’est mis à la vinification pour de bon, gardant quand même un pied dans les milieux du spectacle. Il continue à tourner pour le cinéma et la télévision pour lesquels il libère quelques semaines de çi de là, mais a du dire adieu aux planches, ne pouvant plus assurer une présence longue à Paris ou en tournée.

Le destin a fait qu'on a entendu cette chanson à la radio pendant la rédaction de cet article. Destin es-tu là ?

L'ai-je bien descendu ?

L'ai-je bien descendu ?

Pas de jus de planches au Domaine Roulot : la question du style

Le domaine était déjà réputé avant l'arrivée de Jean-Marc à la réalisation, mais il en a développé la réputation grâce à deux atouts : un travail qui s’appuie sur le découpage des climats de Bourgogne, vinifiant ainsi chaque cru séparément, y compris en appellation communale, et un style très marqué qui recherche la pureté.

Si cette notion de style peut sembler contrarier la notion de cru, le style étant susceptible de prendre le pas sur les nuances du terroir, elle n’est finalement pas incompatible avec celui-ci. La recherche de pureté pouvant justement servir de révélateur à ces subtiles nuances qui distinguent les parcelles d’un climat à un autre. L'acquis ne s'oppose pas nécessairement à l'inné. Il peut le consolider.

Reste que c’est ce style singulier qui fait la réputation du domaine. Ce côté sensiblement réduit au nez et cette belle allonge saline font que les vins, s’ils ne cherchent pas à en mettre plein la vue, tendent à s’étirer sur des finales élancées. C’est d’ailleurs une tendance relativement récente pour Meursault qui, dans son histoire moderne, a vécu sur sa réputation de vins richement bâtonnés qui s’exprimaient plutôt en largeur. Aujourd’hui il semble y avoir une sorte de mode à Meursault de celui qui fera les vins les plus stricts. Certains poussent l'exercice assez loin, avec des vins parfois extrêmement tranchants. Les puristes adorent. Les suivistes aussi. Mais en vin comme en tout, l'essentiel est d'affirmer son goût.

Le metteur en scène fait sa distribution

Le metteur en scène fait sa distribution

La peloton des climats à quelques mois de la bouteille d'arrivée

On a pu goûter avec Jean-Marc Roulot l’ensemble des 2014 qui étaient en fin d’élevage. Ce dernier, qui consiste à laisser reposer les vins après la fermentation alcoolique, commence par une petite année en fûts avant de procéder à un soutirage et de finir quelques mois en cuves inox. Cette phase finale en cuves permet d’obtenir cette petite réduction au nez. Jean-Marc Roulot précise que cet élevage long finalisé en cuves permet d’apporter de la texture en bouche, du soyeux, et permet aussi de resserrer les vins afin qu’ils prennent "de la verticalité".

Sur 2014, le Bourgogne du domaine donne le « La » du style avec ce côté fin et apaisé au nez et du pep’s en bouche. Cette cuvée, assez bien diffusée, fait l’objet d’autant de soin que les autres car Jean-Marc Roulot sait que c’est celle qui permettra au plus grand nombre de se familiariser avec le style du domaine. On la trouve à moins de 30 Euros chez les cavistes qui jouent le jeu.

La gamme des Meursault commence avec un Meursault d’assemblage simple et élégant qui est composé de raisins des Crotots, des Gruyaches et du Clos de la Baronne. Puis viennent les 4 lieux dits en appelation communale, soit VireuilsMeix ChavauxLuchets et Tillets. Ce dernier se distingue par un supplément de tension. "Pour moi la minéralité c'est ça !" dit Jean-Marc qui fait l'analogie avec Le Premier Cru Les Perrières qui serait "un super Tillets".

Le Tesson « Clos de mon Plaisir » est un cas un peu à part. C’est aussi un « village », mais les Tessons jouissent d’une réputation importante grâce à un beau positionnement en milieu de coteau. Il est donc sensiblement plus cher que les autres « villages » et s’allonge un peu plus en finale que les vins précédents.

 

Le Général Roulot briefe ses troupes : "Bon les gars, on encercle les Chevalières et les Rougets avant de lancer le grand assaut"

Le Général Roulot briefe ses troupes : "Bon les gars, on encercle les Chevalières et les Rougets avant de lancer le grand assaut"

Les Premiers Crus 2014 avec le Perrières en majesté

En Premier Cru le Poruzot s’exprime dans un registre assez riche. La bouche est volumineuse et enrobée, mais dans des proportions raisonnables, ce qui signifie que ça reste assez fin, "Roulot's Touch" oblige.

Le Clos des Bouchères est apparu en 2011 au domaine, quand des vignes ont été rachetées à Labouré-Roi avec l’aide d’investisseurs. Orthographié "Bouches Chères" par l'ancien propriétaire, ce Premier Cru est idéalement situé. Il est planté avec des porte-greffes différents de ceux auxquels Jean-Marc est habitué. Le vigneron semble beaucoup s’interroger sur ces questions de matériel végétal dont on parle encore assez peu mais qui sont très importantes dans l’expression des vins. Le fameux concept de « terroir » passe aussi par ces choix de plantations qui engagent sur la durée et ont une forte influence sur la qualité de raisins récoltés. Le vin reste assez large, avec une belle profondeur. La finale est fidèle à cette touche saline qu’on pourrait qualifier de « minérale ».

Les Charmes se montrent très en verve ce jour là, avec un nez floral très ouvert. La bouche et large et parfumée, mais la finale reste typique de la pointe de fraîcheur recherchée.

Evidemment le roi de la cave c’est le fameux Perrières que Jean-Marc compare à un cheval qui galope dans la bouche. Il en a fait 5 pièces en 2014, ce qui restera de toute façon trop peu par rapport à la demande qui fait flamber les prix, en particulier sur ce vin là. Le nez se distingue de ceux des autres. Il est très concentré et se montre particulièrement envoutant. La boucha allie plusieurs qualités, à la fois caressante et extrêmement cristalline. La sève du vin se diffuse. Le Perrières a la plénitude évidente de ces vins bien nés.

Jean-Marc Roulot parle avec les mains dans "La Vérité si je Mens 4"
Jean-Marc Roulot parle avec les mains dans "La Vérité si je Mens 4"
Jean-Marc Roulot parle avec les mains dans "La Vérité si je Mens 4"
Jean-Marc Roulot parle avec les mains dans "La Vérité si je Mens 4"

Jean-Marc Roulot parle avec les mains dans "La Vérité si je Mens 4"

Le domaine développe également une micro-gamme de négoce, ce qui lui permettra d'ajouter quelques Grands Crus à son répertoire. Pas la peine de les harceler pour en avoir, ils seront distribués au compte-gouttes (d'or) aux clients les moins importuns. Donc s'ils ont une goutte de son sens ils ont compris que plus ils demanderont, moins ils en auront. Quelques belles références sur Puligny avec notamment un Chevalier-Montrachet qui se montre particulièrement fin. Et aussi une incursion plus au nord avec un Corton-Charlemagne explosif au nez et qui allie la puissance en bouche avec cette recherche de finesse.

Goûter à l'aveugle ou l'art de remettre en cause ses idées reçues

On termine la dégustation avec 2 vins à l’aveugle, exercice extrêmement didactique qui permet à chacun de s’en remettre à ses sens. Ce que l'on devrait de toute façon toujours faire quand on boit du vin, les étiquettes n'ayant, elles, aucun goût. 

Le premier vin s’exprime dans un registre plus beurré au nez, avec déjà un peu de patine en bouche. Le second est plus floral, plus fin, et se montre plus élégant. Si le premier est extrêmement séduisant de prime abord grâce à son côté gourmand et démonstratif, on suppute que Jean-Marc Roulot préfère le second, et on n’a pas tort. Il s’agit de deux Tillets, le premier sur 2010 et le second sur 2011, millésime sans doute sous-estimé et très fin, sans cette petite touche de botrytis du 2010. Donc, contrairement aux idées reçues sur les millésimes, du côté de Meursault il vaut peut-être mieux boire ses 2010 et garder ses 2011.

On poursuivrait bien la conversation avec ce vigneron très pédagogue, très technique, qui a plaisir à parler de ses vins et à les faire comprendre. Mais Jean-Marc Roulot doit filer prendre le train pour accomplir son deuxième métier : direction Paris et ses castings.

L’homme pressé de Meursault, qui est rentré dans sa septième décennie sur cette terre en 2015, sans jamais faire son âge, semble avoir trouvé son équilibre. Comme ses vins. Allez, roulez jeunesse !

Domaine Roulot, 1 rue Charles Giraud, 21190 Meursault

Pas la peine d'appeler le domaine qui n'a rien à vendre.

Mais on peut en trouver chez certains cavistes. Ils sont tributaires des quantités réduites de ces dernières années qui ne permettent pas de satisfaire tout le monde.

Les parisiens peuvent aller à l'Epicerie du Bon Marché, aux Caves Augé, chez Lavinia, aux Caves Legrand et à la Cave du Château à Vincennes. Il faudra soit montrer patte blanche, soit faire chauffer la Gold, en fonction de la politique de chaque maison...

 

Pour la visite du Domaine Morey-Coffinet à Chassagne-Montrachet, rendez-vous

Le début de nos aventures avec la dégustation des vins de Gevrey-Chambertin 2014 ici

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P
Quel endroit incroyable !!! J'espère de tout coeur que ce vignoble n'a pas trop souffert des intempéries ! Une grande partie du vignoble bourguignon a malheureusement touchée par la gelée puis la grêle. Je croise les doigts !!!
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