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Publié par LeCoureurdeVin

Au printemps dernier on a fait un périple dans le centre de la France, entre Beaujolais et Loire. Première étape au Domaine Dominique Piron à Villié-Morgon, avec auparavant un petit crochet par Fleurie pour rencontrer Alexandra de Vazeilles, récemment installée au Château des Bachelards.

On se réjouit de commencer ce périple par le Beaujolais, région magnifique et qui souffre d'un certain désamour. Il faut dire que le français est versatile. Il aime brûler ce qu'il a adoré. C'est un changement de réglementation en 1951 qui crée le désormais célèbre événement du 3ème jeudi du mois de novembre, le Beaujolais Nouveau. Il autorise à vendre "en primeur" certains vins d'appelation contrôlée. Le phénomène connait une croissance importante dans les années 60 puis Georges Duboeuf lui donne un impact maximal à partir des années 70. Les people s'en mêlent, de Collaro à Pivot, et plus personne n'échappe au Beaujolais Nouveau.

Quand la crue du Beaujolais Nouveau englouti les Crus

Une partie de plus en plus importante de la production de la région s'écoule à ce moment-là. L'événement prend des proportions industrielles et devient l'occasion de fourguer des hectolitres de gouleyante piquette chimique au goût de banane Haribo. Tant pis pour ceux qui travaillent à l'ancienne. La fête est finie ! Seulement les excès du Beaujolais Nouveau n'ont pas seulement abimé l'image de l'événement, ils ont aussi flingué durablement l'image de la région.

On en a fait l'expérience nous-même, le mot "Beaujolais" est devenu synonyme de vin médiocre pour beaucoup de gens. Le drame ! Car évidemment la région ne peut se résumer à cet événement du vin nouveau et à son succès rencontré à la fin du XXème Siècle. On est déjà 15 ans dans le XXIème et le renouveau du Beaujolais est en cours. Et même si les gros négociants ont construit leur business sur des volumes importants de vins (souvent) quelconques à bas prix, il reste de nombreux domaines et artisans qui continuent à travailler dans la tradition et n'ont pas dit leur dernier mot.

Le crash des prix ne leur rend pas la tâche facile car, le chien se mordant la queue, il est devenu difficile de vendre des vins du Beaujolais à des prix qui reflètent réellement le travail et les investissements. Mais comme dans toute activité, il y a des cycles. La Bourgogne connaissant un succès phénoménal, de nombreux investisseurs, de là et d'ailleurs, sont venus plus au sud acheter des vignes à des prix encore accessibles. Et dans les crus du Beaujolais, qui ont une longue histoire qualitative, certains sont bien décidés à en découdre.

 

Le come-back du Beaujolais, qui l'eût Crus !

L'histoire de la Comtesse qui a trouvé son Château

C'est le cas d'Alexandra de Vazeilles qui s'est installée en février 2014 au Château des Bachelards à Fleurie, un des 10 crus du Beaujolais, ces appelations plus prestigieuses du nord de la région. Après une vie de businesswoman bien remplie, qui l'a vu occuper des postes à responsabilités dans les ressources humaines aux USA et à Londres, la Comtesse de Vazeilles a décidé de consacrer sa deuxième vie professionelle à la vigne. Elle a d'abord cherché dans le Lubéron, où elle a des attaches, mais c'est finalement sur cette propriété nichée au coeur de "la Toscane française" qu'elle a flashé. Elle cherchait à la fois un terroir et une histoire. Elle a trouvé les deux. Elle s'est décidée en 4 jours pour cette belle demeure du XVIIème Siècle dont le clos remonte à l'abbaye de Cluny.

 

Cuisine & Dépendances : Alexandra de Vazeilles et le directeur technique, Bertrand Gobet

Cuisine & Dépendances : Alexandra de Vazeilles et le directeur technique, Bertrand Gobet

Bien décidée à travailler en biodynamie, Alexandra de Vazeilles a bénéficié du travail du précédent propriétaire qui avait déjà converti le domaine en bio. Pas besoin d'attendre 10 ans pour que les sols retrouvent la vie, ils avaient été préservés de la chimie et le domaine devrait rapidement être certifié Demeter. Alexandra de Vazeilles a de grandes ambitions pour le Château des Bachelards, pour Fleurie et pour la région. Elle a déjà commencé à s'étendre, rachetant récemment 2 hectares de Saint-Amour qui viennent s'ajouter à ses 6 hectares de Fleurie, 1,25 hectare de Moulin-à-Vent et 2 hectares de Beaujolais-Villages.

On ne fait pas de bons vins avec de l'argent, mais sans argent on ne fait pas de bons vins

Alexandra de Vazeilles

Alexandra de Vazeilles a considérablement investi, à la fois dans la demeure, restaurée avec beaucoup de goût, et dans les installations techniques qui ont pu accueillir leur première vendange en 2014. On a pu goûter 2 cuvées qui étaient encore en cuves, qui laissent présager des vins fruités et vifs, très purs. Les premières bouteilles devraient rapidement être disponibles et on attendra de les goûter reposées pour émettre un avis plus détaillé. On ne se fait de toute façon pas de souci tant le niveau d'exigence d'Alexandra de Vazeilles est grand. Et comme elle a le bras long et une énergie considérable, quiconque s'intéresse au vin entendra très vite parler de son Château des Bachelards, si ce n'est pas déjà fait (elle est entrée illico-presto dans le Guide de la RVF). Comme elle le disait encore récemment sur les réseaux sociaux à propos d'un domaine bordelais mené par une femme, "Dans la vie il faut un chef". Pas de doute, le chef, c'est elle !

Du haut de ces escaliers, une Comtesse vous contemple

Du haut de ces escaliers, une Comtesse vous contemple

On a ensuite rejoint Villié-Morgon, à quelques kilomètres de là, pour une visite du Domaine Piron, un des 16 domaines familiaux du Club Vignerons & Signatures. Dominique Piron, qui réprésente la 14ème génération de sa famille dans la région, est bien connu pour son vin étendard, le fameux Côte du Py, dont l'étiquette est illustrée par un dessin qui représente l'arbre en haut de la colline. Spontané et chaleureux, et sans doute têtu, comme tout vigneron qui se respecte, Dominique Piron s'est récemment associé avec un jeune type de la région (nous on appelle les gens de quarante ans des jeunes types) qui a roulé sa bosse avant de revenir sur ses terres.

Dominique Piron, souriant, même si son verre est complètement vide

Dominique Piron, souriant, même si son verre est complètement vide

Julien Revillon, plus réservé que Dominique, est arrivé avec quelques hectares de vignes, le domaine faisant maintenant 40 Hectares en tout, dont 25 en pleine propriété. Il a aussi apporté ses compétences en management acquises lors d'une carrière commencée dans la banque, où il a par exemple croisé la route de Stéphane Ogier quand il s'occupait des vignerons du Rhône Nord. Puis il est parti à Cornas rejoindre Jean-Luc Colombo pour lequel il a été directeur commercial puis directeur executif. Nul doute que le tandem formé par Dominique et Julien devrait faire des étincelles dans les années à venir car les compétences sont là et leurs profils semblent complémentaires.

Julien Revillon, attentif, même si son verre à moitié plein est aux trois-quarts vide

Julien Revillon, attentif, même si son verre à moitié plein est aux trois-quarts vide

On a eu droit à une dégustation exhaustive des vins du domaine, essentiellement sur les millésimes 2013 et 2014, à la réputation plus flatteuse que 2012 dans la région. La gamme est large, puisqu'on a goûté 10 vins différents, certains sur plusieurs millésimes. L'occasion de parler des spécifités géologiques du Beaujolais, parfois complexes, car plusieurs terroirs existent généralement dans chaque appelation. Si on aimerait que chacun des 8 crus ait une typicité qui lui soit propre, c'est rarement aussi simple. On a particulièrement retenu leur Brouilly 2014, dont ils possèdent 6 hectares, au nez agréablement fruité et à la bouche onctueuse sur les fruits rouges. Le Moulin-à-Vent nous a fait monter d'un cran avec un vin erruptif et structuré qui délivre des arômes poivrés et épicés.

 

Même si tu as la tête dure comme du bois, tu devrais te souvenir de cette étiquette

Même si tu as la tête dure comme du bois, tu devrais te souvenir de cette étiquette

Mais Piron c'est surtout Morgon. La cuvée La Chanaise 2014 délivre un beau nez expressif sur la cerise et une bouche fine mais encore un peu stricte ce jour là. La star c'est évidemment le "Côte du Py" à l'étiquette facilement reconnaissable. La Côte du Py est une colline qui se trouve au coeur de l'appelation Morgon. Très bien exposée elle repose sur des sous-sols de granite riches en oxyde fer sur lesquels le gamay se plait particulièrement. D'ailleurs on sent ce côté ferreux  au nez comme en bouche. Le vin en 2013 est à la fois tendu et complexe et offre une belle expression de ces crus du Beaujolais. Le 2009 montre ce que ça peut donner dans les grandes années, et le vin de ce millésime n'est d'ailleurs pas encore à maturité.

 

Intermède ludique : les collines du Beaujolais c'est beau mais sauras-tu retrouver la maison de Michel Bettane sur cette photo ?

Intermède ludique : les collines du Beaujolais c'est beau mais sauras-tu retrouver la maison de Michel Bettane sur cette photo ?

En visitant les installations en travaux, la cave s'agrandissant, on discute du sujet qui anime beaucoup les conversations dans la région, à savoir cette image dégradée à cause des excès du Beaujolais Nouveau et la volonté d'un certain nombre de vouloir passer à l'ère d'après. Evidemment, ça n'est pas simple. Ceux qui ont acquis des positions dominantes ne veulent pas les lâcher et, comme souvent dans le village français, il est difficile d'avancer en ordre serré. Beaucoup de vignerons de la région ne veulent pas lâcher la proie pour l'ombre et préfèrent encore se contenter de vendre leur production en vrac, pas chère, mais à coup sûr, sans trop se casser la tête. 

Nous on est certain que des domaines comme Piron, le Château des Bachelards, Jules Desjourneys et beaucoup d'autres, vont considérablement changer l'image de la région dans les années à venir. Ca prendra sans doute plus de temps que ne le voudrait la bouillonante Alexandra de Vazeilles, mais ça se fera. La qualité globale va monter, l'image aussi, les prix également.

Donc amis buveurs, vous l'avez compris, c'est aujourd'hui qu'il faut aller fouiner dans le coin et sonner à la porte de ceux qui sont les précurseurs de ce renouveau qualitatif du Beaujolais. Nous, c'est sûr, on y retournera. Et on vous en reparlera vite.

Château des Bachelards, 69820 Fleurie.

Tél 09 81 49 47 00 Mail : contact@bachelards.com

Domaines Piron, 69910 Villié-Morgon.

Tél : 04 74 69 10 20 Mail : piron@domaines-piron.fr

Le soleil se couche sur la maison des Piron. La prochaine étape de notre périple se fera en Bourgogne.

Le soleil se couche sur la maison des Piron. La prochaine étape de notre périple se fera en Bourgogne.

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