A buon consiglio non si trova prezzo
Si les grands vins italiens, ceux du Piémont en particulier, font l'objet d'un engouement de plus en plus important dans le Mondovino, ils restent assez marginaux en France. Et les occasions de les goûter encore plus. Mais Millesima a frappé un grand coup en organisant une très belle dégustation parisienne des vins italiens qu'ils distribuent. Compte-rendu en courant (mais pas trop vite).
Faire dans le qualitatif ça commence par ne pas se tromper de lieu. Millesima avait choisi l'Hôtel Particulier des Arts et Metiers, bicoque des beaux quartiers parisiens située au 9bis avenue d'Iéna : hauteur sous plafond correcte, quelques moulures, vue sur le grand machin en fer centenaire qui s'allume la nuit. Le genre d'endroit qui vous fait assez rapidement vous poser la question de savoir si vous n'auriez pas du mettre une veste, voire une cravatte. Bref, du super quali !
Après, évidemment, si on se marche dessus c'est moins bien. Donc c'était suffisament cher pour dissuader mon beau-frère de venir et ils n'avaient pas fait trop de tapages pour qu'on reste entre nous, soit leurs meilleurs clients ainsi que quelques professionels et journalistes. Comme ça on pouvait discuter avec les producteurs plus de 30 secondes sans se prendre des grands coups de coudes. Bref, du super quali ! (on l'a déjà dit ça non !?)
Et évidemment, pour que ça soit vraiment réussi, on fait venir de la super pointure. Pas de risques inutiles, pas de producteurs originaux dont les vins sont parfois géniaux mais parfois pas. Non, que du sûr, du top, soit essentiellement des domaines du Piémont et de la Toscane plus quelques "spumante" pour faire passer le tout. D'ailleurs ils avaient fait venir Ca' del Bosco, célebré pour ses vins effervescents auxquels on a fait honneur en partant, trop étourdi pour noter quoi que ce soit d'intelligent sur le carnet. A notre décharge on dira qu'on a passé 4 heures dans ce lieu de perdition à goûter des vins souvent à 14° ou 15° d'alcool (oui, y'a du soleil en Italie). On a donc fini un peu fatigué. Les gens croient qu'on s'amuse, mais non.
Ah qu'elles sont jolies les filles de mon pays laï laï laï
Le Royaume du Piémont
On a commencé par le Piémont en attaquant direct par le grand Roberto Voerzio. Son fils Davide est grand aussi, par la taille, puisqu'il ne doit pas être loin des 2 mètres. Très calme, il vous surplombe tranquillement tandis que ses bras affichent des tatouages à la mode italienne (En Italie on peut se faire tatouer sans être un mauvais garçon).
Chez Voerzio les tarifs sont maousses mais on sent que les vins en ont sous le pied. Le Barolo "La Serra" 2008 est super serré et on est content d'apprendre que 2008 est une année fraîche. Le "Rocche dell'Annunziata Torriglione" 2007 est un peu plus ouvert mais ça reste assez astringent. Au final, le plus équilibré c'est le "Fossati Case Nere riserva 10 anni" qu'un vieillissement prolongé à la cantina a rendu très aimable. L'ensemble est qualitativement homogène et nous semble destiné à la longue garde.
Le Roi Barolo et la Reine Barbaresco
Sur les bons conseils de Jean-Emmanuel Simond, qui distribue Voerzio et Sottimano en France, mais n'est pas sectaire, on est allé voir Giorgio Pelissero, la cinquantaine élégante, qui tient plus du chef d'entreprise que du villageois égaré dans ses vignes. Pelissero est un domaine d'une quarantaine d'hectares qui semble mené à la baguette. Comme quoi belles plaquettes et cuvées bien marquetées n'empêchent pas de faire du bon vin. On n'est plus à Barolo mais à Barbaresco (sur la commune de Treiso exactement) et comme nous l'a expliqué Giorgio "Si Barolo c'est le Roi, alors Barbaresco c'est la Reine. Et on sait qui commande vraiment dans un couple".
On a particulièrement apprécié la cuvée "Vanotu", soit le Barbaresco haut-de-gamme de la maison qui tire son nom de la contraction affectueuse du prénom Giovanni, le père de Giorgio (et qui assemble des parcelles des lieux-dits Tre Stelle, Marcarini et Basarin). Le 2010, beau millésime dans le Piémont, était particulièrement affable, plein de rondeur et parfaitement équilibré.
Puis on est retourné à Barolo pour déguster les crus du domaine Brezza sous l'oeil scrutateur d'Enzo Brezza qui semble guéter la moindre de vos réactions. Là encore les 2010 font merveilles, sans doute parce que le style classique de la maison donne des vins assez légers (toutes proportions gardées) qui trouvent mieux leur équilibre dans ce millésime qu'en 2009. Et là il y a eu bataille.
Cannubi contre Sarmassa, la bataille des Barolo de Brezza
Spontanément on a préféré le "Cannubi", cru célèbre de la commune de Barolo, très accessible ici, assez fruité, rond, digeste. Le "Sarmassa" nous a, sur le coup, moins plu, sans doute la faute à ces arômes de tabac ou de cuir moins immédiatement séducteurs à notre palais. Mais le vin fait preuve d'une belle personnalité, délicieusement complexe, qui se prolongeait en bouche pour nous dire de ne pas nous laisser bêtement séduire par le côté plus immédiatement enjoleur du Cannubi. Sur la durée, on ne serait pas surpris que ce "Sarmassa " en ait plus sous le pied. Deux beaux vins quoi qu'il en soit. "Strong Buy" comme diraient les traders, surtout que les prix sont trèèèès sages pour du Barolo (une quarantaine d'Euros la bouteille).
Ceux que produit Domenico Clerico à Monforte d'Alba sont très différents, dans un style plus moderne, donc plus riche. On a pu apprécier la gamme et les très belle étiquettes graphiques du "Aeropanservaj", une création sur des vignes louées à Serralunga d'Alba (un village un peu plus loin, donc le bout du monde). Notre préférence est allée au "Ciabot Mentin" 2009, une vigne située en haut du lieu-dit Ginestra, et dont la bouche tout en finesse nous a convaincu.
En Toscane on rencontre des marseillais et des napolitains
Comme on n'est pas sectaire on est aussi allé voir la Toscane. On s'est retrouvé nez à nez avec un marseillais qui nous a nargué avec son bronzage du 15 août et son style méridional de mec qui se fait pas chier à respirer de la particule fine toute l'année. Un peu plus et on lui demandait s'il était venu directement en bateau.
Olivier Pipaz nous a en tous cas bien amusé et fait notamment déguster le Sassicaia qu'il représente. Ce cru est emblématique de la région Bolgheri, zone de Toscane qui a une époque comptait beaucoup plus de moustiques que de pieds de vignes et qui n'a obtenu sa Denominazione di Origine Controllata qu'en 1994. Ce cru à la bordelaise, essentiellement composé de Cabernet Sauvignon et d'une touche de Cabernet Franc, présente un nez de cassis tout en profondeur et une bouche à l'élégance évidente, parfaitement assortie au clacissisme des salons de l'hôtel des arts et métiers. Très beau 2012, déjà approchable avec plaisir, avant cette phase de fermeture qui nous le fera redécouvrir dans quelques années.
On est ensuite aller ricaner avec Gian Paolo Motta, le loustic napolitain qui a étudié à Lyon puis a laissé tomber le business familial pour s'installer en plein coeur du Chianti Classico avec La Massa en 92. Gian Paolo est parfaitement francophone, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités. Il a aussi beaucoup d'humour. Discuter avec lui est l'assurance de passer un bon moment.
Mais on sent aussi que le bonhomme a un caractère bien trempé. Pas trop du genre à se laisser emmerder par les gars du cru. Il commercialise d'ailleurs ses vins en Indicazione Geografica Tipica, histoire de planter les cépages qu'il veut sans que l'appelation vienne lui expliquer ce qu'il doit faire. D'ailleurs il s'est choisi un autre outsider pour l'aider dans son aventure toscane, Stéphane Derenoncourt, bordelais de Dunkerque (tu suis ?) avec qui il a mené un important travail de parcelisation de son domaine pour planter le bon cépage au bon endroit.
Il produit un vin qu'on aime bien, le Giorgio Primo. Le 2012 est à 65% Cabernet Sauvignon, 30% Merlot et 5% Petit Verdot. C'est noir, profond, puissant, mais pas chaud. Comme Gian Paolo voulait quand même prouver à ses voisins qu'il était aussi capable de faire de l'excellent Sangiovese il a lancé le Carla Sei après plusieurs années d'expérimentations. Le 2011 est bon, mais Gian Paolo est confiant que les suivants seront encore meilleurs car il veut "les éclater tous" comme il nous dit dans un grand éclat de rire. Si vous allez au sud de Florence, surtout ne manquez pas de lui rendre visite, vous passerez certainement un excellent moment.
On est parti de là en se disant qu'on avait encore beaucoup à apprendre des vins italiens, au moins aussi nombreux et divers que les notres. Mais on n'est guère surpris de leur succès partout dans le monde, tant les italiens partagent avec les français une culture du vin à la fois ancienne, riche et complexe.
En revanche, peu de miracles niveau prix, tout ce qu'on a goûté là de très bon ayant déjà reçu la reconnaissance du marché mondial. C'est pas encore les délires des meilleurs domaines bourguignons ou des grands châteaux bordelais, mais on est déjà dans le cher. Reste que notre propre expérience en la matière nous a permis de constater que, dans le Piémont, derrière les locomotives que sont Barolo et Barbaresco, on trouve d'excellentes choses en Freisa, Barbera d'Alba, Barbera d'Asti, Gattinara & Co à des tarifs modiques.
Bref, amis français, il ne faut surtout pas s'interdire d'être curieux. Surtout pas !
Tous ces vins sont évidemment disponibles ici www.millesima.fr, et certainement ailleurs...
Ceux qui grenouillent en Suisse peuvent aussi consulter la belle sélection italienne du CAVE SA.