Lavaux sur la montagne (suisse) : Les domaines.
Puis on boit un coup en ville au Midi 20 et on repart.
Quelques points de repères pour bien commencer
Au deuxième jour de notre séjour, on rend visite à Luc Dubouloz et sa femme Anne Bussy. Luc est le vigneron-tâcheron qui s’occupe du Domaine du Burignon à Saint Saphorin, à une dizaine de kilomètres de Lausanne, juste avant d'arriver à Vevey. Luc est une mine d’information précieuse sur le domaine qu’il gère pour la ville et l’évolution de la viticulture dans la région. Le chasselas, qui représente 85% de la production du Burignon, est un cépage très productif dont il faut savoir domestiquer les rendements. Sa sensibilité à l’oïdium et au botrytis impose une grande vigilance et pas mal de traitements. Naturellement faible en degré, il nécessite souvent une chaptalisation (ajout de sucre). Mais il s’avère être un excellent révélateur du terroir quand il est bien mené.
On enchaîne avec une rencontre au Domaine Bovard, à Cully, dans une belle bâtisse ancienne au bord du lac. Louis-Philippe Bovard, 80 ans cette année, dirige le domaine d’une main qu’on devine de fer. Bel homme qui impose le respect, il nous explique son vignoble et nous fait visiter ses installations sans qu’il nous vienne à l’idée de l’interrompre. Il faut dire que ses explications sont limpides. La région a trois particularités climatiques qui sont 1) le lac qui apporte une régulation thermique, 2) l’orientation sud/sud-ouest pour une bonne maturité (avec des décalages) et 3) un dénivelé de 250 mètres entre le haut et le bas. Les vignerons de Côte-Rôtie ne seraient pas dépaysés par la pente !
Louis-Philippe Bovard nous raconte l’histoire de ce domaine familial qu’il dirige depuis 30 ans, après une carrière dans le privé. Il s’est beaucoup inspiré des vignerons français rencontrés pour faire progresser ses vins et on devine qu’il a été moteur dans la région. D’ailleurs l’homme est insatiable et continue ses expérimentations sur les cépages et les porte-greffes.
On goûte une bonne partie de la gamme du domaine, et notamment la fameuse Médinette avec son étiquette emblématique : l'ancêtre Albert Bovard en tenue de léopard à la fameuse fête des vignerons de Vevey en 1905 (la prochaine édition de cette fête gigantesque qui a lieu environ tous les 20 ans aura lieu en 2019). Dans ce grand cru Dézaley goûté sur 2007 et 2002 on retrouve cette richesse gourmande et cette finale saline qui nous semblent être la signature des vins blancs de la région. Mais on retient également le plus simple Ilex, Calamin Grand Cru, 2012, qui allie la fraîcheur d'un vin sans fermentation malolactique tout en gardant la rondeur fruitée très caressante du chasselas.
La Maison Bovard est assurément une des valeurs sûres du canton. On serait bien resté plus longtemps avec cet homme passionné et dynamique. On comprend presque à demi-mot qu’il regrette que ni ses filles ni ses petits-enfants (trop jeunes pour le moment) ne partagent sa passion. Il a du assurer la pérennité du domaine par le biais d’une fondation. En même temps, vu l’autorité qu'il dégage, on se demande si quelqu’un aurait pu trouver sa place à ses côtés. Lui-même avait dû attendre la quarantaine pour revenir au domaine où son père régnait en maître. Reste que depuis 2013 c'est Caspard Eugster, jeune ingénieur agronome suisse, qui vignifie les vins du domaine après une première expérience en Argentine.
Après ce tour bucolique dans les paysages du Lavaux, un cadre vraiment magnifique que la nature a bien voulu inonder de soleil en ce jour froid d’hiver, on retourne en ville pour une dernière dégustation au bar à vin Midi 20 (sur la vitrine duquel est inscrit "Vins à l'emporter", du parler local pour dire qu'on peut repartir avec sa bouteille).
C’est Pierre Thomas qui nous reçoit. Journaliste spécialisé et figure locale, il a monté ce bar avec une douzaine d’actionnaires issus de l’Ecole Polytechnique de Lausanne. Lui aussi peut se montrer autoritaire, n’hésitant pas à recadrer ceux qui papotent derrière pendant sa présentation. Mais il fait aussi autorité sur son sujet. Il parle avec minutie des vins qu'il nous fait découvrir et s'implique beaucoup dans la vie vinicole locale, notamment à travers l’association Mémoire des Vins Suisses.
On repart heureux de ce « Lausanne Wine Tour 2013 ». On ne saurait vous dire à quel point on apprécie cette région pour avoir passé de nombreuses vacances du côté de Montreux. Si les vaudois sont des suisses un peu trop décontractés pour leurs homologues des cantons germaniques, ils restent plus sérieux et civiques que n’importe quel Français mais gardent ce contact chaleureux et simple qu’on apprécie. Allez-y, on est sûr que vous y serez bien reçus.
Si vous aimez le vin blanc, vous serez quasiment au paradis, d’autant que le vaudois a le coup de blanc facile. Si vous aimez le vin rouge, vous y ferez des découvertes (et pour les amateurs de pinot noir goutez ceux du Valais et des Grisons). Si vous aimez les liquoreux, ils ont quelques trésors comme ceux de Marie-Thérèse Chappaz ou L’Ambre de Christophe Abbet (des valaisans, certes, mais c’est pas loin).
Et si vous bossez dans le vin le Vinocamp Lausanne les 22/23 mars et la Digital Wine Communication Conference de Montreux du 31 octobre au 2 novembre sont également d’excellents prétextes pour aller là-bas en 2014.
Voilà, en ce qui nous concerne, Lausanne 2013 c'était...