Si la Bourgogne a sa Vente des Hospices de Beaune, la Suisse a sa « Mise » des Vins de la Ville de Lausanne. Une bonne occasion d’aller faire un tour dans le canton de Vaud pour y découvrir ses vins.
Le bucolique Lac Léman et au loin le vignoble de Lavaux
Les Suisse sont comme les Français : ils produisent beaucoup de vins et aiment ça. Mais contrairement aux Français, ils les gardent pour eux, n’en exportant qu’une infime partie, ce qui explique que les vins suisses sont méconnus en dehors de leurs frontières. C'est en train de changer, car la concurrence des vins à bas coûts du nouveau monde les obligent à monter en gamme et à chercher des débouchés à l'export.
Si la région alémanique des Grisons est réputée pour ses pinots noirs, de même que le Valais, le canton francophone de Vaud s’est fait une spécialité du vin blanc de cépage chasselas. On le trouve en particulier dans la région du Lavaux, soit 830 hectares de vignobles en terrasses qui surplombent le lac Léman entre Lausanne et Vevey. La région est classée au patrimoine mondial de l’humanité depuis 2007.
Les vignes en terrasses de Lavaux : ça grimpe !
C’est à l’occasion de la « mise » des vins de la ville de Lausanne, qui a traditionnellement lieu en décembre, qu'on effectue ce déplacement. Car si en France on connait la vente des Hospices de Beaune, qui fêtait son 153ème anniversaire, on sait moins que Lausanne a aussi sa vente qui vient de fêter sa... 211ème édition.
La ville est légataire d’un domaine viticole très important réparti sur 5 sites. Exactement comme en Bourgogne, la plupart de ces domaines ont des origines monastiques qui remontent au XIIème Siècle. Le Clos des Abbayes (4,7 Ha) est le premier à avoir été acquis car il a été sécularisé en 1536 avec l’arrivée de la réforme lors de la période de conquête bernoise. L’Abbaye de Mont (13,5 Ha) a été acquise en 1802 lors de la vente des biens nationaux, comme le Clos des Moines (4 Ha) et le Domaine du Burignon (6 Ha). Enfin le château de Rochefort (4,3 Ha) a été reçu en leg par la bourse des pauvres en 1838. La mise a traditionnellement lieu le 2ème samedi de décembre, mais c’est 15 jours avant qu’on a débarqué à Lausanne pour la soirée qui permet de goûter les lots.
Un simple coup de TGV Lyria et 3H30 après on débarque à Lausanne. On commence à s’acclimater en douceur au restaurant du Château d’Ouchy dont la véranda ensoleillée frôle le lac. On rencontre nos hôtes de l’Office du Tourisme, la séduisante blonde Tanja Dubas dont 20 ans dans le canton de Vaud n’ont que partiellement assoupli la rigueur alémanique, et la délicate brune Alexa Züllig rendue quasi muette par un méchant coup de froid.
Ce déjeuner ensoleillé nous permet de nous familiariser avec les vins du coin. Un Villette Grand Cru, La Combe 2012, de Béat et Philippe Bujard nous rafraichit la bouche de sa longueur saline. Puis le Villa Novara 2010 des mêmes vignerons, assemblage de merlot, syrah et cabernet, nous fait profiter de sa puissance bien domestiquée et de sa belle finale réglissée. De beaux vins !
Après un tour « roller-coaster » de la ville qui nous permet de profiter de ses 3 collines et 2 vallées, on se rend à la dégustation de la « mise » à l’Abbaye de Mont. Plus grande propriété de la ville, c’est aussi la seule en bio. 70% de la vigne y est en chasselas sur des sols argileux. Le reste est en gamay et pinot noir, mais on y cultive aussi des cépages locaux comme le gamaret et le garanoir. Un peu comme en Alsace, les vignerons vaudois ont une grande liberté sur les cépages.
Jean Rebeaud commente la bouteille de Dézaley 1906 exposée
Cette dégustation réunit le monde du vin local et permet de profiter de la chaleureuse bonhomie des Vaudois, qui sont aux Suisses ce que les méridionaux sont à la France. Rien de plus dépaysant pour un parisien que de se pointer là-bas. La chaleureuse proximité des locaux est quasiment l’antithèse de la froideur distante des parisiens. Et comme c’est une dégustation, les langues se délient d’autant plus vite. On se délecte ainsi des histoires de Jean Rebeaud, un vieil archiviste du village de Bière. On y apprend également quelques plaisanteries. A la question "Qu'est-ce qu’un bon vigneron de Lavaux ?" il faut répondre "Celui qui passe plus de temps sur son bateau que dans ses vignes !".
Le Vaudois, de bonne constitution, ne craint pas de goûter les vins
On y rencontre surtout Thibaut Panas, jeune trentenaire qui a été élu meilleur sommelier de Suisse 2014 par Gault & Millau. Originaire de Troyes, il officie depuis 2012 au Beau-Rivage Palace où il gère une cave d’environ 75.000 bouteilles. Très décontracté ce soir là, on a presque du mal à l’imaginer obséquieux dans son costume de salle. Si les plus fortunés peuvent le croiser au restaurant gastronomique d’Anne-Sophie Pic niché au sein du Beau-Rivage, les autres restaurants de l’hôtel sont certainement une bonne occasion d’approcher la cave sans (trop) se ruiner.
Toutes ces rencontres ne nous empêchent pas de goûter les vins, exercice difficile car ce sont des bébés d’à peine deux mois. Ils sont répartis en lots de vases différentes et comme nous le dit un professionnel, il est plus question de vérifier qu’ils n’ont pas de défaut plutôt que de se faire une idée précise de la qualité du vin une fois qu’il sera stabilisé. Un comptoir dans le fond de la salle nous permet d’apprécier une verticale des blancs de l’Abbaye de Mont, de l’aromatique 2009 au riche et évolué 2003 en passant par le fluet 2007.
Les blancs sont encore très troubles
Histoire de ne pas perdre la main, on va conclure la soirée dans un bar à vin du centre-ville de Lausanne, le Yatus, où l'on est très bien reçu.
On se retrouve très vite pour la suite des visites au Domaine du Burignon et au Domaine Bovard...
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