750 grammes
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Publié par LeCoureurdeVin

On achève notre tournée saint-émilionaise en franchissant le Rubicon, en l'occurence la D244 qui sépare Pomerol de Saint-Emilion. Il suffit de quelques mètres pour se rendre à La Conseillante, propriété familiale bien gérée et sur la pente ascendante.

Même si ça n'est pas nous qui avons fait le programme, on est ravi de se rendre dans ce domaine qu'on apprécie sans trop savoir ce qui nous l'a distingué de ses voisins de Pomerol au départ.

Évidemment, le fait que le vin soit de qualité et que les tarifs restent sage joue son rôle. On vous rappelle ici qu'on est dans la galaxie des grands vins, les tarifs sages sont à mettre en perspective avec ceux de propriétés plus huppées dont les prix peuvent atteindre 4 chiffres. Vous avez donc compris qu'on ne parle pas de topettes à 5 Euros chez Mammouth...

Entre La Conseillante et nous, tout a peut-être commencé grâce à cette étiquette stricte à pans coupés et cette collerette d'un bleu violacé, couleur de la maison qui poursuit Jean-Valmy Nicolas, notre hôte, jusqu'au bracelet de sa montre. Peut-être aussi que Bettane & Desseauve, avant de nous emmener ici, ont joué leur rôle grâce au dossier qu'ils avaient consacré à Pomerol en 2011.

Jean-Valmy Nicolas nous surveille du coin de l'oeil devant le nouveau chai

Jean-Valmy Nicolas nous surveille du coin de l'oeil devant le nouveau chai

Pomerol est une sorte de cousine de Saint-Emilion. Les deux appelations sont voisines, partagent ce fameux plateau où se trouvent les meilleurs terroirs, et cultivent principalement le merlot allongé d'un peu de cabernet franc. Mais Pomerol est plus discrète. Nettement plus petite puisqu'avec ses 785 hectares plantés elle pèse peu face aux 5400 hectares de Saint-Emilion. Les propriétés y sont aussi plus petites (12 hectares pour La Conseillante), peut-être est-ce la raison pour laquelle on y trouve plus notre compte. Small is beautiful !

Il était temps qu'on vous trouve une carte

Il était temps qu'on vous trouve une carte

Jean-Valmy Nicolas représente la famille Nicolas qui possède le domaine depuis 1871. Jusqu'au tout début des années 2000, la propriété était gérée comme un de ces petits domaines familiaux de la région. On déléguait l'entretien des vignes et les vendanges se faisaient plus en fonction du calendrier du maître de chai itinérant que de la maturité des raisins. La famille a décidé de se structurer de façon à ce que La Conseillante donne systématiquement le meilleur d'elle-même. Elle a recruté un directeur en 2001, Jean-Michel Laporte, et a créé un conseil de famille en 2003, composé aujourd'hui des cousins Bertrand Nicolas, Henri Nicolas et Jean-Valmy.

Ce dernier, qui réside à Paris et dirige un fond d'investissement à la ville, commence à bien se faire connaître aux champs puisqu'il vient d'être recruté par Figeac pour accomplir sur cette propriété de Saint-Emilion les principes qui ont fait la réussite de la Conseillante. Pur produit de la bourgeoisie bordelaise, diplomé d'HEC, Jean-Valmy Nicolas porte un prénom original mais affiche des manières très classiques. On sent bien que l'éducation de ce quasi quadra n'a pas été prise à la légère. C'est avec beaucoup de parcimonie qu'il se déleste de ce costume de bonnes manières qui police les rapports. On le devine pourtant redoutable en affaires à cette façon qu'il peut avoir de se frotter les mains quand on parle "gros sous".

 

Un Saint, des millions ! Episode 5 : Ce que chacun sait n'est pas Conseillante

"Ce qui fait la qualité d'un vin, c'est la qualité du raisin qu'on rentre au cuvier"

Jean-Valmy Nicolas nous explique tout le travail qui a été accompli à La Conseillante depuis une douzaine d'années, nous en détaillant les étapes avec beaucoup de simplicité. L'arrivée d'un directeur a permis d'avoir quelqu'un qui s’occupe en permanence de la propriété. Le fait qu'il ne soit pas de la famille permet d'éviter les tensions en cas de désaccord.

Après avoir travaillé avec plusieurs œnologues, leur choix s'est porté depuis 2012 sur Michel Roland dont l'expérience n'est plus à prouver et qui a la personnalité pour pousser les actionnaires familiaux à prendre des risques. Le vignoble a été peu à peu repris en main, avec des replantations qui s'avèrent bénéfiques, même si ce travail de fond prend du temps. Tout le travail est désormais minutieux. L'équipe a notamment été formée à la taille par le spécialiste de la question, Michel Duclos.

La salle des raisins pas perdus

La salle des raisins pas perdus

Les vendanges qui se faisaient avant sur une semaine sont désormais étalées sur quatre, pour ramasser chaque parcelle à l'optimum de la maturité du raisin. Un nouveau cuvier a été inauguré en 2012 avec 22 petites cuves de béton epoxy qui permettent de travailler le parcellaire avec plus de précisions. Une table de tri optique est désormais louée pour la vendange.

Tout est donc fait pour réaliser le meilleur vin possible chaque année, dans la limite de ce qu'une propriété familiale optimisée peut se permettre de réaliser, notamment en matière d'investissements. Là aussi on a l'impression d'avoir franchi une frontière face au déluge d'argent des nouveaux maîtres de Saint-Emilion.

Tout l'art bordelais de grumer le vin en restant chic

Tout l'art bordelais de grumer le vin en restant chic

Le gros avantage de cette gestion pragmatique c'est que les prix le sont restés également. D'ailleurs, quand on titille Jean-Valmy Nicolas là dessus, il nous parle de "dissonance cognitive". En clair les gens ne retiennent que les prix des crus les plus chers, mais oublient qu'une grande partie de la production reste à des prix raisonnables, à Pomerol comme ailleurs.

Il enfonce même le clou en nous donnant les prix de sortie propriété sur 10 ans pour bien nous montrer que le prix de départ hors taxe a toujours été raisonnable, même pour les grands 2009 et 2010. Après, la propriété n'est pas responsable ni des prix du négoce ni des emballement du marché. Et encore moins des coefficients multiplicateurs des restaurateurs qui font que La Conseillante devient très chère sur table.

C'est une des raisons pour lesquelles les Nicolas ont créé Duo en 2007, le second vin, plus accessible, et qui leur permet d'assurer une présence raisonnable en restauration. Il est composé des jeunes vignes et des terroirs moins performants. Mais la propriété le traite comme un vin à part entière, avec un élevage plus court et qui comporte moins de bois neuf. On goûte le 2012. Le nez présente des arômes de cassis fumé. La bouche est veloutée avec des tanins de bois encore fermes en finale.

La bouteille est grande et je suis tout petit

La bouteille est grande et je suis tout petit

La Conseillante 2012 présente évidemment une dimension supérieure. Le disque violacé exhale des parfums de cassis avec une dimension florale. La bouche est très caressante avec plus de profondeur que dans Duo. Même si ce côté très velouté est la marque de Pomerol, les Nicolas veillent à ce que le vin garde de la vivacité. Quant à ce fameux bleu violacé emblématique de la maison, il fait référence aux arômes de violette que le cru prend après une dizaine d'années de garde.

Les ancêtres Nicolas veillent sur la propriété

Les ancêtres Nicolas veillent sur la propriété

La visite se conclut autour d'un sympathique déjeuner dominical qui nous permet de goûter le Duo 2007 et La Conseillante 2006 et 2002, sans notes, histoire d'être un convive agréable.

Pour notre part on ne saurait trop vous conseiller de chercher le millésime 2008, évidemment beaucoup moins cher que ses successeurs 2009 et 2010, et de très bonne qualité. S'il est trop tard pour en trouver aux foires aux vins à prix canon (70 Euros), il est sur le marché pour moins de 100 Euros. Et on ne va pas tarder à pouvoir commencer à le boire sans commettre d'infanticide. Et ceux qui aiment courir les salles de ventes peuvent trouver des millésimes du début des années 2000 à des prix encore plus intéressants.

La Conseillante reste en tous cas pour nous un archétype de propriété familiale bien gérée, qui se donne les moyens d'être ambitieuse tout en restant à taille humaine. Même si Jean-Valmy Nicolas semblait regretter que son appelation soit moins dynamique que Saint-Emilion, cela préserve Pomerol des querelles de clocher qui agitent sa voisine. Et puis surtout qu'il n'oublie pas : small is beautiful...

La Conseillante, 132 rue de Catusseau, 33500 Pomerol, Téléphone : +33 (0)5 57 5115 32

 

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